Histoire du Japon
se développa la pêche à la baleine dans le Pacifique Nord par des navires basés à San Francisco. C’est avant tout à ces bateaux qu’il arrivait de s’échouer ou de chercher un abri ou des vivres dans les ports japonais ; et des rapports concernant les mauvais traitements subis par leurs équipages commencèrent à atteindre l’Amérique dans les années 1840.
C’est du fait de l’intérêt croissant de l’Amérique pour le commerce dans le Pacifique et du désir de protéger les marins naufragés qu’en 1845 le commodore James Biddle, agissant sur les ordres de Washington, conduisit deux navires de guerre dans la baie d’Edo et proposa l’ouverture de relations commerciales. A cette démarche, le bakufu répondit par un refus catégorique, et Biddle se retira ; mais il était clair désormais que des efforts devaient être faits en vue des nouvelles tentatives des gouvernements étrangers pour rompre l’isolement du Japon. Toutefois, la question cruciale ne se posa pas avant 1853, où (le 8 juillet) le commodore Matthew Perry apparut dans le port d’Uraga avec quatre vaisseaux de guerre. Le bakufu s’attendait à son arrivée, ayant été averti que, le 26 mai, il avait débarqué dans les Ryùkyû où il avait passé plusieurs semaines.
Sa mission était simple. Il apportait une lettre du président des États-Unis ainsi qu’une déclaration de sa propre main selon laquelle son gouvernement avait des intentions amicales mais était décidé à assurer le bon traitement des naufragés américains et à obtenir certaines facilités de navigation et de commerce. Il ne fit aucune menace, sinon de façon sous-entendue, en disant qu’il attendait une réponse favorable pour l’année suivante, où il reviendrait avec une armée plus nombreuse. Il était en position de force, car Edo, capitale du shôgun, était vulnérable non seulement aux bombardements mais aussi aux blocus, l’essentiel de son approvisionnement arrivant d’Osaka par bateaux et pouvant ainsi être coupé par l’ennemi 273 .
Le bakufu était parfaitement conscient de ces dangers, et, en février 1854, quand Perry retourna au Japon avec une escadre plus puissante, il n’eut guère de difficulté à négocier un traité malgré les retards et les dérobades des représentants japonais. Bien qu’il fût un peu vaniteux et autoritaire, c’était un bon négociateur, montrant beaucoup de détermination. Signé le 31 mars à Kanagawa, son traité ouvrait deux ports (Shimoda, dans l’Izu, et Hakodate, au Ezo) à un commerce limité, et prévoyait une représentation consulaire américaine au Japon. Il fut suivi d’accords similaires avec la Grande-Bretagne (octobre 1854), la Russie (février 1855) et la Hollande (novembre 1855).
Tandis que les négociations de Perry se poursuivaient à Uraga et ailleurs, les officiers américains en permission à terre trouvaient les indigènes parfaitement aimables, et très intéressés par leurs visiteurs étrangers. Il n’y eut que très peu d’incidents désagréables et pas de xénophobie apparente, hormis celle qu’exprimait le regard maussade de certains samurai de garde. Entre deux sessions, les négociateurs japonais se montraient d’excellente humeur, et d’une gaieté que stimulaient parfois les alcools forts qui figuraient parmi les cadeaux de la mission américaine. Mais ce qui les intéressait le plus, c’était les dispositifs mécaniques et les armes mortelles, notamment les revolvers ; il n’est donc pas étonnant que, après cette visite, les défenses côtières de Shinagawa et autres endroits stratégiques aient été rapidement renforcées.
Comme on pouvait s’y attendre, le pays manifesta des réactions diverses face à la politique du bakufu ; mais dans l’ensemble, à Edo tout comme dans les grands fiefs, on ressentit comme essentiel le besoin d’étudier les pays étrangers. Le bakufu montra l’exemple en ouvrant en 1855 une école d’études étrangères, le Yôgakusho, et, en 1856, un bureau pour l’étude des documents étrangers, le Bansho shirabedokoro, tous deux à Edo. On recruta les professeurs et les candidats aux postes d’enseignants non pas dans les domaines du bakufu mais dans les fiefs où l’on avait déjà organisé des études étrangères. Durant cette période, de nombreuses écoles villageoises (terakoya) furent ouvertes ou agrandies, et l’éducation élémentaire connut dans la plupart des fiefs un essor remarquable, avec
Weitere Kostenlose Bücher