Histoire du Japon
l’achat d’armes et de machines qui devaient être livrées aux Ryükyü. C’était un crime grave contre les lois de 1639, une infraction caractérisée à la politique d’isolement, et la preuve de la faiblesse du bakufu.
nature de l’isolationnisme
L’attitude du gouvernement japonais face à la pression des pays étrangers désireux d’obtenir pour leurs ressortissants le droit d’entrer au Japon soulève une question générale quant à la nature de l’isolationnisme en Asie. On a suggéré que les doctrines néo-confucianistes de Zhu Xi influencèrent les hauts fonctionnaires japonais et les amenèrent à adopter une politique isolationniste comme celle de la dynastie des Ming en Chine ; et il ne fait aucun doute que ces doctrines contribuèrent dans une large mesure à former les idées des conseillers du shôgun au cours de la majeure partie du siècle suivant la fondation du gouvernement des Tokugawa. Mais on peut difficilement voir la politique Ming comme un élément important dans l’établissement du Sakoku, ou politique du pays fermé, adopté au Japon en 1639.
D’abord, la politique Ming n’était pas uniformément isolationniste. Jamais la Chine n’avait été complètement isolée. L’extrême longueur de ses frontières et de ses côtes le rendait impossible. De plus, la Chine n’interdisait pas les relations étrangères. Au contraire, elle avait des contacts limités mais réguliers avec des pays étrangers de l’Asie centrale et de l’Asie du Sud-Est avec qui elle entretenait des rapports de commerce ou de dépendance, et (après le traité de Nerchinsk, en 1689) des relations avec la Russie autorisant le commerce et les missions religieuses à Pékin.
Il est vrai qu’après les grands voyages Ming de 1405-1433, la Chine se retira dans l’isolement et interdit à ses ressortissants de quitter le pays ou de communiquer avec des étrangers. A première vue, on peut y voir une politique de fermeture du pays semblable à celle qu’adopta le Japon. Mais en fait, ces interdictions n’étaient pas respectées. Fermer les frontières eût été impossible, et la Chine n’y aurait trouvé aucun avantage. Et dans les provinces maritimes, les édits qui interdisaient aux navires et aux gens de quitter le pays étaient d’ordinaire ignorés de connivence avec les fonctionnaires locaux, n’ayant ainsi guère d’autres résultats que de favoriser la contrebande et la piraterie. Au Japon, au contraire, les lois d’isolement étaient appliquées avec une grande rigueur, et empêchaient l’émigration aussi bien que l’immigration.
Manifestement, la raison pour laquelle les lois d’isolement japonaises furent ainsi appliquées résidait dans le fait qu’il s’agissait d’un pays insulaire doté d’un gouvernement ferme décidé à préserver ses institutions et à résister à la pression de la propagande chrétienne, que les Tokugawa assimilaient à des plans d’agression de la part du Portugal et de l’Espagne.
Au premier abord, il semble que l’isolationnisme soit un trait commun aux pays difficiles d’accès, qu’il s’agisse d’îles ou de pays qui, comme le Népal et le Tibet, sont protégés par leurs montagnes ; mais tous les États, qu’ils soient grands ou petits, sont jaloux de leur indépendance et tendent à limiter l’entrée des étrangers. Cela est vrai de maintes régions du Sud-Est asiatique, et notamment de la Corée, qui était isolationniste par crainte de la Chine, et certainement pas par désir de bannir l’influence culturelle chinoise, dominante parmi les lettrés. L’expérience de la domination mongole au XIII e siècle et des invasions chinoises et japonaises au xvie suffit à expliquer la volonté d’isolement politique de la Corée, et c’est sans nul doute par mesure de protection que, à l’époque des Tokugawa, elle envoyait régulièrement au Japon des ambassades que le gouvernement du shôgun recevait en grande pompe.
OPINION ANTI-ISOLEMENT
Quoique la pression des pays occidentaux fût l’une des causes de l’adoucissement graduel des édits, une pression tout aussi importante s’exerçait alors à l’intérieur même du pays, surtout de la part des lettrés, avides de communiquer librement avec les savants étrangers et de prendre connaissance des idées occidentales en général et de la science occidentale en particulier. On a vu que, au XVIIIe siècle déjà, les études hollandaises avaient créé un corps de
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