Histoire du Japon
lettrés désireux d’ouvrir le pays, essentiellement du fait de leur intérêt pour la science, à commencer par la médecine, mais aussi l’astronomie et autres branches du savoir. Leur soif de connaissances poussait les Japonais à harceler de questions tous les érudits qui, de Kaempfer, en 1691, à Siebold, en 1823-1829, visitèrent le Japon au service du comptoir hollandais de Deshima.
Durant les premières décennies du xixe siècle, ces études connurent un tel succès que les lettrés confucianistes s’en alarmèrent et intriguèrent contre les défenseurs du nouveau savoir, leur imputant des desseins subversifs. Comme c’est généralement le cas, les autorités étaient enclines à soupçonner les avocats du changement, dont certains accusaient ouvertement le gouvernement d’ignorance et d’incompétence, et furent exécutés pour leur courage.
Parmi ceux qui jouèrent un rôle prépondérant dans l’introduction du savoir scientifique se trouvait un homme remarquable nommé Sakuma Zôzan (1811-1864), samurai d’un fief du Nord qui se consacra essentiellement à la science militaire, y compris l’artillerie. En 1841, il commença à s’intéresser sérieusement à la question de la sécurité nationale, et il présenta un mémoire sur la défense côtière témoignant que, comme d’autres hommes de sa trempe, il s’inquiétait de la faiblesse de son pays. D’abord enclin à défendre l’isolationnisme, il en vint peu à peu à admirer les Occidentaux pour leurs recherches sur la nature réelle de l’univers, et il finit par croire en une société internationale. Mais il se trouvait alors en prison pour délit contre la loi de fermeture, et il y resterait jusqu’en 1862. Peu après sa libération, il fut assassiné par des fanatiques anti étrangers.
D’autres hommes de marque opposés à la politique de fermeture furent punis pour avoir fait connaître leurs opinions, en particulier un groupe de lettrés qui avaient fondé un club et publié ce que le bakufu considéra comme un pamphlet séditieux. En 1838, le « démon » Torii conseilla d’arrêter ses membres, contre qui il forgea de fausses accusations. Le principal conseiller du shôgun, Mizuno Tadakuni, hésita à agir, sachant qu’ils étaient en rapport avec d’importantes personnalités des puissants clans Mito et Satsuma, et même du bakufu. Mais il finit par se rallier à l’opinion de Torii.
Parmi les victimes de cette persécution se trouvait un personnage de marque déjà mentionné, Watanabe Noboru (connu aussi sous le nom de plume de Kazan), poète et peintre aux dons multiples, et chef de fil des partisans du savoir étranger. De fausses accusations lui valurent d’être emprisonné et condamné à mort, mais cette peine fut commuée en résidence surveillée à vie en 1840. En 1841, il se suicida.
L’indépendance politique et économique croissante des grands fiefs diminuait évidemment d’autant l’autorité du bakufu, et rendait difficile à Edo d’imposer une politique nationale dans le domaine des relations extérieures aussi bien que des affaires intérieures. En même temps, bien que les fiefs ne pussent suivre la tendance culturelle des grandes villes, ils en subissaient l’influence. L’étude des idées et des institutions occidentales commença à pénétrer dans les fiefs et à jouer un rôle considérable dans la formation de l’opinion publique. C’est ainsi que, le bakufu modelant sur l’étranger sa politique de défense, la plupart des daimyô suivirent son exemple. Les daimyô de Satsuma, Hirado et autres clans étaient, disait-on, atteints de rampeki (engouement hollandais), et le gouvernement de leurs domaines revêtait certaines caractéristiques étrangères.
Cette tendance n’était pas nouvelle, car, ainsi qu’on l’a vu, des lettrés comme Maeno Ryôtaku et Sugita Gempaku avaient occupé des fonctions importantes dans leurs clans respectifs plus d’un demi-siècle auparavant, et plus de cinquante des principaux fiefs avaient des écoles pour l’étude de la médecine et de la science militaire occidentales, en particulier l’artillerie. A mesure que semblait augmenter le danger d’agression étrangère, l’importance de ces études se faisait sentir de façon plus pressante.
Fin de l’isolement
La première partie du xixe siècle fut une grande période d’expansion pour les grandes puissances européennes et les États-Unis d’Amérique. Entre autres activités
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