Histoire du Japon
l’approbation des officiers du daimyô, mais généralement sous l’impulsion des villageois eux-mêmes.
C’est à ce moment-là aussi que le bakufu, placé devant une situation sans précédent, se sentit tenu non seulement de consulter les Go-Sanke et les daimyô tozama, mais aussi de demander leur avis aux daimyô fudaiei aux hata-moto . Cette innovation atteste la faiblesse du bakufu dans ses relations avec les grands comme les petits vassaux. Plus remarquable encore fut sa décision de faire part des affaires courantes à la cour impériale pour lui demander son conseil. C’était un pas très important, car il révélait un changement d’attitude de la société militaire à l’égard du Trône, changement qu’avait annoncé un siècle plus tôt la doctrine de fidélité à l’empereur proclamée à Kyoto par Yamagata Daini et autres.
Désormais, les esprits dirigeants de nombreux fiefs prêchaient la même doctrine, défendant ce qu’on appelait le shinnô, ou sonnô, c’est-à-dire le respect du souverain. Leur motif était en partie de briser l’autorité du bakufu, mais également parfois sans doute de justifier leur propre insubordination à l’intérieur du clan. Le slogan du sonnô devait jouer un rôle important dans les dernières années du bakufu, en sorte qu’il vaut la peine de retracer ici dans les grandes lignes l’histoire des relations entre le shôgun et l’empereur.
On peut se demander pourquoi les shôgun n’abolirent pas le Trône, dont l’existence dépendait d’eux. L’histoire donne la réponse. Après avoir été contraint d’abdiquer par Yoritomo en 1198, l’ex-empereur Go-Toba défia les régents Hôjô en 1221. Son parti fut vaincu et lui-même fut banni, mais les régents nommèrent alors un successeur. Après la défaite du gouvernement de Kamakura, certains généraux de Takauji lancèrent l’idée de l’abolition, mais Takauji lui-même crut bon de maintenir les fonctions impériales, bien qu’il n’hésitât pas à emprisonner et à exiler l’empereur Go-Daigo. Tout au long de la guerre entre les deux cours, la monarchie fut pleinement reconnue, et, tout en manquant parfois de respect à l’égard de la cour, les shôgun Ashikaga admirent qu’ils tenaient leurs fonctions du Trône.
Nobunaga se montra très respectueux de l’empereur, et jugea plus d’une fois prudent de proclamer qu’il agissait au nom de Sa Majesté dans ses campagnes ou dans sa politique civile, comme lorsqu’il mit fin aux opérations militaires contre le Kôyasan à la demande de l’empereur en 1581. Hideyoshi montra de même beaucoup de respect pour l’empereur, le recevant au Jura-kudai et se considérant non pas comme un shôgun mais comme un régent au service du souverain. Le serment de loyauté à la famille Toyotomi signé par les daimyô en 1588 fut juré en présence de l’empereur. Tout en enlevant au Trône tout pouvoir politique, Ieyasu fit de généreux présents à la cour et reconnut son importance comme source d’honneur. L’attitude de Iemitsu à l’égard du Trône fut moins respectueuse, mais, bien qu’il voulût intimider l’empereur en marchant sur Kyoto avec une grande armée, il traita la cour de façon généreuse et ne manifesta aucun désir d’abolir le gouvernement impérial. Ienobu, successeur de Tsunayoshi, prit des mesures pour améliorer les rapports entre la cour et le bakufu et accorda des subsides importants à la maison de l’empereur.
La vérité est que la tradition de respect pour l’empereur restait puissante à tous les niveaux de la société et dans l’ensemble du pays, et qu’aucun shôgun n’eût osé déclencher l’opposition qu’un acte de déloyauté déclaré n’aurait pas manqué de susciter. Non seulement il se serait ainsi privé d’un soutien, mais il aurait fourni à un rival un très bon prétexte de révolte.
SENTIMENTS ANTIBAKUFU
Bien qu’il fît partie d’un mouvement hostile au bakufu, le slogan « sonnô » recommandait une attitude plutôt qu’une politique. Il gagnait en vigueur lorsqu’il était couplé avec un appel à la résistance contre la pression des puissances étrangères insistant pour que le Japon ouvrît ses ports à leurs navires marchands. Le slogan devenait alors « sonnô jôi », ce qui signifie : « Respectez le souverain, expulsez les barbares. »
Peu de chose montre que, dans le passé ou à l’époque, il y eût au Japon une xénophobie réelle d’une
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