Histoire du Japon
quelconque importance. En fait, les témoignages attestant le contraire sont des plus convaincants, de celui de François Xavier, qui, vers 1550, déclarait : « Ces gens sont le délice de mon cœur », à celui du capitaine du H. M. S. Samarang, qui, en 1845, vantait « la courtoisie raffinée et polie des gentlemen du Japon ».
L’hostilité que paraissait traduire le slogan « jôi » était un sentiment délibérément cultivé par les ennemis du bakufu, et elle se renforça après 1854, année où les bateaux de guerre de Perry revinrent jeter l’ancre dans la baie d’Edo. Dans tous les grands fiefs tozama, on s’emparait de n’importe quel prétexte pour s’opposer au gouvernement des Tokugawa, et la chose était vraie aussi pour le fief de Mito, gouverné par un membre de la branche collatérale traditionnellement opposée aux shôgun. Son chef d’alors était Tokugawa Nariaki, qui faisait de son mieux pour gêner le bakufu et soulever contre lui à la cour impériale des sentiments hostiles. Heureusement, le président du conseil des rôjû, Abe Masahiro, persuada les daimyô de souscrire aux conditions acceptées par Perry en 1854.
Avant longtemps, le parti anti étranger eut d’autres raisons de se plaindre que ne leur en donnait la seule signature du traité de 1854 (dit traité de Kanagawa, où il avait été signé). En effet, comme le prévoyait celui-ci, les États-Unis envoyèrent un représentant consulaire au Japon en la personne de Townsend Harris, qui arriva sur un bateau de guerre en 1856. Il ne fut pas du tout bien accueilli, et les autorités japonaises le prièrent de partir ; mais il insista pour remplir sa mission. Ses instructions voulaient qu’il développe l’accord existant (lequel était un simple traité de paix), et il amenait avec lui une lettre du président qu’il avait l’intention de remettre au shôgun en personne.
Durant quelques mois, il vécut dans l’inconfort à Shimoda, où il rencontra l’obstruction la plus déroutante et ne fit guère de progrès, car, contrairement à Perry, il ne pouvait pas employer la force comme menace. Heureusement pour lui, Ii Naosuke, Kamon no Kami, l’homme le plus influent du Conseil d’État, était partisan de l’ouverture du pays. Contre lui, Ii avait un puissant groupe dirigé par le daimyô de Mito, Tokugawa Nariaki, un homme quelque peu hypocrite dont l’ambition était de discréditer et de renverser le bakufu. Cependant, la position d’Ii allait s’améliorant, et, en 1858, il fut à même de mener à bien ses propres projets et d’accepter ce qu’avait demandé Harris au nom du gouvernement américain.
Lorsque enfin il put voir les représentants du shôgun, Harris proposa une convention ouvrant Nagasaki aux navires américains, donnant des droits de résidence dans les deux ports de Shimoda et de Hakodate, et élargissant par ailleurs le traité de 1854. Le 7 décembre 1857, cette importante approche fut suivie d’un pas sans précédent avec la réception de Harris au château d’Edo par le shôgun lui-même. C’était une concession que le bakufu n’aurait pas osé faire, même sous une pression comme celle que Perry pouvait exercer ; mais au cours des années précédentes, les conditions avaient changé. Non seulement le bakufu se trouvait à nouveau en mesure, ne fût-ce que momentanément, d’affirmer son autorité, mais encore il avait reçu de sérieuses mises en garde des interprètes de Nagasaki, qui lui annoncèrent qu’une escadre britannique avait attaqué et brûlé Canton parce que le gouvernement chinois n’avait pas respecté les obligations de son traité. Le commissaire hollandais au Japon (Donker Curtius) réitéra ces mises en garde et conseilla au bakufu de renoncer à la tactique d’atermoiement pratiquée par ses représentants.
Il n’y avait aucun doute sur l’incompétence qui était alors celle du bakufu en matière de relations extérieures, mais il faut se souvenir qu’il se trouvait dans une situation très complexe et préoccupante. Katsu Awa, un partisan Tokugawa particulièrement capable et large de vues, écrivait à ce propos : « Pendant plus de dix ans après l’arrivée de Perry, notre pays fut dans un état de confusion indescriptible. Le gouvernement était faible et irrésolu, sans pouvoir de décision. » Heureusement, grâce à l’influence d’Ii Naosuke, Kamon no Kami (qui était alors devenu tairô), le 29 juillet 1858, un traité fut
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