Histoire du Japon
Il arrivait souvent qu’un homme n’ayant ni une grande sagesse ni une grande connaissance des classiques obtienne un poste intéressant parce qu’il savait bien composer en chinois. La chose est d’ailleurs prévue par le code, dont un paragraphe dit : « Ceux qui n’excellent pas en interprétation raisonnée peuvent toutefois obtenir un grade s’ils sont bons en écriture » – c’est-à-dire s’ils savent rédiger dans un bon style classique. Il ne fait aucun doute qu’au début de l’époque de Heian l’importance accordée aux dons littéraires influençait le choix des candidats aux charges les plus élevées, au mépris parfois des talents qu’ils avaient par ailleurs. Même être un bon poète pouvait être un atout appréciable pour le candidat à un poste important.
Un passage bien connu du Roman de Genji à propos de l’éducation universitaire nous donne des indications fort utiles quant à l’attitude de l’aristocratie de la cour vis-à-vis des lettrés et du savoir. Il se trouve dans le chapitre intitulé « Otome », où il y a une description de la cérémonie au cours de laquelle Yugiri, le fils de Genji, reçoit un « nom d’école » avant d’entrer à l’université. La plupart des princes et des courtisans qui assistent à cette cérémonie estiment que l’instruction est superflue pour des jeunes gens de haute naissance, et ils trouvent très comiques l’allure, le comportement et le langage des professeurs. Mais Genji, qui se souvient de ses défauts de jeunesse, a décidé que son fils recevrait une solide instruction. Après que Yurigi a brillamment passé ses examens, l’université commence à attirer d’autres jeunes gens issus des familles les plus aristocratiques, et avant longtemps il est devenu tout à fait courant parmi ceux qui occupent des emplois importants d’être nantis de diplômes.
APPENDICE IV
Le conflit de succession 1272-1318
DÉROULEMENT
Ceux qui s’intéressent au problème de légitimité qui se posa après la mort de Go-Saga, en 1272, trouveront ici certains renseignements que nous avons omis de donner au chapitre XXI pour ne pas surcharger le récit de détails.
Contrairement à ce qu’on imagine parfois, l’origine véritable du conflit de succession ne réside pas dans le testament que fit Go-Saga en 1272, mais dans l’initiative qu’il prit en 1259 en obligeant son fils Go-Fukakusa, alors empereur en titre et âgé de quinze ans, à abdiquer au profit de son frère Kameyama, son cadet de cinq ans.
Du vivant de Go-Saga, il n’y eut pas de querelle déclarée entre les deux frères, qui paraissaient vivre en bons termes. Mais leurs partisans respectifs, dont l’avenir était en jeu, commencèrent à s’agiter immédiatement après la mort de Go-Saga, quand son épouse (Omiya In) informa le bakufu de ses dernières volontés. Selon elle, Go-Saga désirait que la couronne aille à un fils de Kameyama, c’est-à-dire que Kameyama devienne le premier empereur retiré, le souverain de fait ou jisei no kimi.
D’abondants documents montrent que l’interprétation d’Omiya In était fausse. En fait, Go-Saga laissait le soin de choisir un successeur au bakufu, sachant fort bien
qu’aucun candidat ne pourrait s’imposer sans l’approbation de Kamakura – nul n’avait oublié l’exemple de Go-Toba. Depuis quelque temps, et surtout depuis que, grâce à Go-Saga, les relations entre Kyoto et Kamakura étaient devenues tout à fait amicales, les régents Hôjô avaient soin d’éviter toute pression sur la cour touchant la succession. A la mort de Go-Saga, leur représentant à Kyoto se borna donc à demander quel était le désir du défunt souverain. Quand il apprit qu’il avait choisi Kameyama pour lui succéder comme jisei no kimi, le bakufu s’inclina respectueusement sans montrer aucune préférence. Telle était alors la situation :
Comme Kameyama devait succéder à Go-Saga comme premier empereur retiré, pour Go-Fukakusa, son frère aîné, c’était une deuxième rebuffade. Il avait été contraint d’abdiquer en 1259 en faveur de Kameyama, et, maintenant, celui-ci lui prenait sa place à la position clé dont le détenteur pouvait choisir son propre fils comme empereur titulaire.
Kameyama choisit son fils, le prince Yohito, qui devint l’empereur Go-Uda à l’âge de sept ans. Il se passa un certain temps avant le couronnement, qui eut lieu en 1274, soit deux ans après la mort de Go-Saga – deux ans
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