Histoire du Japon
l’affaire fut classée.
On comprendra mieux les développements du conflit de succession à la lumière des tableaux ci-dessus. Le trait le plus frappant qui s’en dégage est que la plupart des souverains sont intronisés alors qu’ils sont encore enfants ou du moins très jeunes, et qu’ils abdiquent après des règnes brefs. La raison en est claire. Les empereurs titulaires n’avaient aucun pouvoir ; ils donnaient simplement à leurs aînés abdicataires un droit au pouvoir et à la richesse qui étaient l’apanage du premier empereur retiré. Et l’abdication étant si fréquente, plusieurs empereurs retirés vivaient d’ordinaire à Kyoto. A un certain moment, il y en avait cinq.
L’empereur Fushimi demeura dix ans sur le trône, ce qui l’amena à l’âge de trente-trois ans. Selon les normes de l’époque, le moment d’un changement était venu, et Fushimi se retira en 1298, laissant la place à son fils Atsuhito, qui monta sur le trône cette même année sous le nom de Go-Fushimi.
La ligne aînée avait donc fourni coup sur coup deux empereurs. Ensuite, le bakufu appuya la ligne cadette en « recommandant » comme prince héritier le jeune Kuniharu, fils aîné de Go-Uda. En d’autres termes, que ce fût ou non à dessein, le bakufu créait un précédent d’alternance entre les deux lignées. Après la mort de Go-Saga, il était ostensiblement demeuré neutre en face de leurs rivalités, ne se prononçant que sous la pression d’un parti ou de l’autre. Mais le bakufu détenait la clé de tous les problèmes, et il était indispensable que Kamakura et Kyoto demeurent en relations. La fonction d’intermédiaire était remplie par Saionji Sanekane, le « Kantô môshitsugi » ou « porte-parole » du régent Hôjô dans ses rapports avec la cour. Il joua de ce fait un rôle très important dans les disputes successorales, et influença certainement les décisions du bakufu. Grâce à sa médiation, semble-t-il, on en arriva à une solution temporaire lorsque Go-Nijô devint empereur en titre. Le jeune frère de Go-Fushimi fut choisi comme prince héritier et monta sur le trône sous le nom de Hanazono. L’ordre de succession se trouva donc être le suivant :
L’alternance était une solution possible aussi longtemps que les deux lignes étaient d’accord et respectaient la convention. Mais ni l’une ni l’autre n’étaient satisfaites, et chacune voulait être la seule ligne légitime. En 1317, le bakufu tenta un compromis. A ce moment-là, Takaharu, le prince héritier désigné, était âgé de trente ans. Selon les idées en vigueur, étant de la ligne cadette, il devait sans délais monter sur le trône après l’abdication de Hanazono. C’était la solution qui s’imposait au bakufu, qui envoya une délégation de Kamakura pour en suggérer l’adoption.
Il y eut passablement de discussions pour et contre avant que la succession de Takaharu, qui deviendrait l’empereur Go-Daigo, ne soit approuvée. Pour finir, son acceptation fut soumise à deux conditions : d’abord, que le prince héritier soit Kuninaga, un fils de Go-Nijô, c’est-à-dire de la ligne cadette ; ensuite, qu’il laisse la place à un prince de la ligne aînée, Kazuhito, l’héritier de Go-Fushimi.
Cela indique que Go-Fushimi (qui, en tant que frère aîné de l’empereur en titre Hanazono, fut premier empereur retiré de 1313 à 1318) donna son accord à la succession de Go-Daigo à condition que, par la suite, l’alternance soit considérée comme une règle fixe. Il semble également que, au début, le bakufu n’approuva pas l’idée que se succèdent deux empereurs, Go-Daigo et Kuninaga, appartenant à la ligne cadette. Du point de vue du bakufu, le mérite de cet arrangement était probablement de limiter la succession aux lignes de Go-Nijô et de Go-Fushimi, et d’exclure ainsi les descendants de Go-Daigo et de Hanazono.
L’arrangement atteint est connu sous le nom de Bunpo Wadan 275 ou Compromis de 1317. A l’époque, le membre le plus puissant de la famille impériale était l’ex-empereur Go-Uda, de la ligne cadette. Il est possible qu’il ait prévu de grands problèmes s’il devait y avoir non seulement une rupture entre les lignes aînée et cadette, mais une scission à l’intérieur de chacune d’elle, ce qui ferait plus que doubler les difficultés à surmonter. Peut-être accepta-t-il le Compromis de 1317 parce qu’il crut qu’il allait mettre fin à la
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