Histoire du Japon

impérial comme shogun. On verra au tableau suivant qu’aucun shogun ne fut choisi parmi les représentants de la ligne cadette – probablement parce que, de 1289 à 1301, la ligne aînée était en faveur à Kamakura.

    ANALYSE
    On aura compris au résumé ci-dessus qu’en traitant des questions de succession après la mort de Go-Saga, le bakufu n’obéissait à aucun principe dynastique clair. Il était influencé par des considérations pragmatiques. Il était mal à l’aise touchant sa propre situation, méfiant envers la cour, et conscient qu’il avait perdu la confiance ou la loyauté de maints de ses vassaux. Il voulait éviter tout faux pas susceptible de conduire à un conflit ouvert entre les deux lignées, car dans ce genre de lutte de puissants chefs de clans guerriers pouvaient prendre parti et même tourner leurs armes contre Kamakura. Il avait été averti de plusieurs complots dirigés contre lui, et il avait conscience de sa faiblesse, dont la preuve fut publiquement donnée en 1320 par l’incapacité de ses troupes de ramener à l’ordre un vassal rebelle de la province de Mutsu.
    Dans ses négociations avec les deux lignes, son premier objectif était d’éviter une rupture, et c’est pourquoi il avait essayé de les satisfaire l’une et l’autre sans leur accorder un réel soutien. Il dépendait des conseils de son porte-parole dans la capitale, Saionji Sanekane, noble extrêmement capable et influent. Sanekane était particulièrement utile aux dirigeants de Kamakura parce que, comme eux, il n’avait pas de véritable préférence pour l’un ou l’autre des souverains ou pour leurs descendants. Son vrai dessein était de restaurer la fortune de sa propre famille. A cette fin, il était important qu’il cultive l’amitié de Kamakura tout en renforçant sa position personnelle à la cour, ce qu’il fit en mariant ses filles avec des représentants de la famille impériale. Il entretenait déjà d’étroites relations avec la maison régnante. L’une de ses tantes était l’épouse de l’empereur Go-Saga et la mère de Go-Fukakusa et de Kameyama. Une de ses sœurs était l’épouse de ce dernier, et trois de ses filles étaient mariées à de futurs occupants du trône. Enfin, sa petite-fille Yasuko épouserait Go-Fushimi.
    Au début, il semble avoir donné sa préférence à la ligne aînée. Ainsi, lorsqu’il s’agit de choisir un prince héritier pour succéder à Fushimi, il appuya un fils de celui-ci contre un candidat de la ligne cadette soutenu par Go-Uda. On dit qu’il retira son appui à la ligne cadette parce que l’empereur Kameyama négligeait sa sœur. Quoi qu’il en fût, il était très puissant à la cour et comblé d’honneurs.
    En 1291, il devint chancelier (dajô-daijin) et atteignit le plus haut rang possible. Cependant, la situation semblait difficile, et il demanda l’autorisation de quitter sa charge. Le vent tournait. Il se rendait compte que, sous leur apparente affection, Kameyama et Go-Fukakusa cachaient une hostilité implacable, ce qui amenait leurs partisans à tramer de dangereux complots. Les arguments de la ligne cadette commencèrent à trouver audience à Kamakura en partie parce que Sanekane commença à changer d’avis. La raison immédiate de ce changement était la conduite des conseillers de l’empereur Fushimi, et en particulier de Fujiwara Tamekane, qui descendait du célèbre poète Teika et était lui-même le chef d’une école progressiste. Politicien habile, c’était un favori de la cour, et Fushimi appréciait ses conseils. Il devenait un rival pour Sanekane, mais il avait de nombreux ennemis, dont certains l’accusèrent de trahison. Que leurs accusations fussent ou non fondées, elles amenèrent le bakufu à se défier de la ligne aînée. Sanekane jugea plus prudent de se retirer. Il entra dans la vie religieuse en 1299, laissant la place à son fils Kimpira, qui reprit ses fonctions de Kantô môshitsugi. La succession de Fushimi se passa comme prévu en 1298, et Yasuko, la fille de Kimpira, fut placée au palais pour y devenir l’épouse de Go-Fushimi, le nouvel empereur.
    Go-Fukakusa mourut en 1304, et peu après, Kameyama tomba malade. Dans une certaine mesure, il avait profité des soupçons dont la ligne aînée faisait l’objet, et comme le premier empereur retiré (jisei no kimi) était alors de la ligne cadette, les perspectives paraissaient bonnes. Il était ravi de l’appui que lui apportait Saionji