Hitler m'a dit
armée ou du moins de s’en servir en temps utile. Je n’étais pas convaincu. Étions-nous absolument sûrs que l’Angleterre et la France fêtaient incapables de toute résistance ? Une erreur de jugement pouvait nous réserver de pénibles surprises.
Hitler eut un rire méprisant. Il répéta que l’on ne verrait plus jamais l’Angleterre partir en guerre contre l’Allemagne. « L’Angleterre a besoin d’une Allemagne forte. L’Angleterre et la France ne mèneront plus jamais une guerre en commun contre nous. »
— « Voulez-vous percer la ligne Maginot ? demandai-je, ou songez-vous à passer par la Hollande et par la Belgique ? Si vous adoptiez ce dernier plan, vous verriez sûrement l’Angleterre se ranger aux côtés de la France. »
— « À la condition que l’Angleterre en ait le temps. D’ailleurs, je ne passerai ni par la ligne Maginot, ni par la Belgique. Je saurai manœuvrer de façon à faire sortir la France de sa ligne Maginot, sa perdre moi-même un seul soldat. » je dissimulais sans doute mal mon scepticisme. « C’est là qu’est mon secret », triompha Hitler. « Bien entendu, je ferai tout ce qu’il faudra pour empêcher une coalition anglo-française. Si je réussis à mettre de notre côté l’Angleterre et l’Italie, la première partie de notre plan de conquête sera beaucoup plus facile à réaliser. Dans tous les cas, ne nous laissons pas effrayer par des fantômes. Cette démocratie enjuivée des Anglais est tout aussi peu viable que la France ou que les États-Unis. Il m’appartiendra tout au moins d’essayer de recueillir sans guerre l’héritage de leur empire en décomposition. Mais je ne reculerai pas non plus devant la lutte avec l’Angleterre. Ce que Napoléon n’a pas réussi, moi, je le réussirai. Il n’existe plus d’îles inaccessibles. Je débarquerai en Angleterre. Du continent même, j’anéantirai ses villes. L’Angleterre ne sait pas encore à quel point elle est aujourd’hui vulnérable.
— « Mais si vous vous trouviez en face d’une alliance entre l’Angleterre, la France et la Russie ? »
— « On ne verra rien de tel tant que je vivrai. Mais si nous ne parvenons pas à vaincre, nous entraînerons dans notre chute la moitié du monde, et personne ne pourra se réjouir d’une victoire sur l’Allemagne. On ne verra plus jamais de 1918. Nous ne capitulerons pas. »
» Mais les choses n’en viendront pas là », continua Hitler sur un ton plus calme. « Ou alors c’est que j’aurais connu une suite ininterrompue d’échecs. En ce cas, j’aurais occupé une place que je ne méritais pas. Soyez sûr que je ne chercherai jamais à excuser mes fautes en les mettant sur le compte de la malchance. La volonté des forts dompte la fortune et corrige le hasard. » J’objectai que la guerre de 1914 comportait pour nous au moins cet enseignement, que nous devions éviter de courir trop de lièvres à la fois et de coaliser toutes les nations contre nous pour nous trouver à la fin sans aucun allié. Des buts limités, successifs, atteints par des moyens politiques et sans recours à la force, voilà quel était, si je comprenais bien, le seul chemin où l’Allemagne pût s’engager.
Hitler donna des signes d’impatience. « Si la nation allemande, au lieu d’être simplement un État continental européen, veut devenir un empire mondial et il le faut – si elle doit survivre – il est nécessaire qu’elle conquière une souveraineté et une indépendance totales. Comprenez-vous ce que cela signifie ? Ne voyez-vous pas quelle tragique mutilation nous devons supporter, nous le deuxième peuple de l’Europe, à cause de l’ingratitude de notre sol et de l’exiguïté de notre espace vital ? Une nation ne peut être un empire mondial que si elle peut vivre indépendante sur son propre espace et se défendre militairement. Seules, de telles nations sont souveraines dans la pleine acception du terme. La Russie est souveraine, les États-Unis sont souverains, l’Angleterre est souveraine, à vrai dire artificiellement et non du fait de sa configuration géographique, la France est encore souveraine jusqu’à un certain point. Pourquoi sommes-nous plus mal partagés ? Est-ce l’effet d’une volonté divine que, malgré notre ardeur au travail, nos capacités, notre industrie, nos aptitudes militaires, nous restions toujours au deuxième rang, toujours derrière l’Angleterre et derrière la France,
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