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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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locaux, et en fait elles y demeurèrent dressées jusqu’en juin. Les gardes civils occupaient toujours les points stratégiques. On procéda à de grandes saisies d’armes dans les locaux fortifiés de la C.N.T., mais je suis persuadé que beaucoup d’armes échappèrent à la saisie. La Batalla continuait à paraître, mais était censurée au point que sa première page était presque entièrement blanche. Les journaux du P.S.U.C. ne subissaient pas la censure et publiaient des articles incendiaires réclamant la suppression du P.O.U.M. Le P.O.U.M. était dénoncé comme une organisation fasciste déguisée et des agents du P.S.U.C. répandaient partout dans la ville un dessin caricatural qui représentait le P.O.U.M. sous les traits de quelqu’un qui, en ôtant un masque décoré du marteau et de la faucille, découvrait un visage hideux de fou furieux marqué de la croix gammée. Il était évident que le choix de la version officielle des troubles de Barcelone était déjà arrêté : ils devaient être présentés comme un soulèvement de la « cinquième colonne » fasciste fomenté uniquement par le P.O.U.M.
    À l’intérieur de l’hôtel, l’horrible atmosphère de suspicion et de haine était devenue encore pire, à présent que les combats avaient pris fin. En face des accusations lancées de côté et d’autre, il était impossible de rester neutre. Le service des Postes fonctionnait à nouveau, les journaux communistes de l’étranger recommençaient à arriver et faisaient preuve, dans leurs comptes rendus des troubles de Barcelone, non seulement d’un violent esprit de parti, mais naturellement aussi d’une inexactitude inouïe dans la présentation des faits. Je pense que certains communistes qui se trouvaient sur les lieux, ayant vu ce qui s’était réellement passé, furent consternés en voyant ainsi travestir les événements, mais naturellement il leur fallait se solidariser avec leur propre parti. Notre ami communiste entra une fois encore en communication avec moi pour me demander si je ne voulais pas être muté dans la Brigade internationale.
    Je m’en montrai assez surpris :
    « Comment ! Mais vos journaux prétendent que je suis un fasciste, lui répondis-je. Je serais sûrement suspect du point de vue politique, venant du P.O.U.M. !
    — Oh ! c’est sans importance ! Après tout vous n’avez fait qu’exécuter des ordres ! »
    Je dus lui dire qu’après ce qui venait de se passer, il ne m’était plus possible de rejoindre aucune unité dirigée par les communistes. Que, tôt ou tard, ce serait risquer qu’on se servît de moi contre la classe ouvrière espagnole. On ne pouvait savoir quand éclaterait à nouveau le conflit, et si je devais, en des circonstances de ce genre, me servir de mon fusil, je voulais que ce fût aux côtés de la classe ouvrière et non contre elle. Il prit ma réponse de façon parfaite. Mais désormais ce n’était plus du tout la même atmosphère. Il ne vous était plus possible, comme auparavant, de « différer à l’amiable » et de n’en pas moins aller ensuite boire un coup avec quelqu’un qui était censément votre adversaire du point de vue politique. Il y eut quelques vilaines altercations dans le salon de l’hôtel. Cependant que les geôles étaient pleines et archi-pleines. Les combats une fois terminés, les anarchistes avaient, naturellement, relâché leurs prisonniers, mais les gardes civils, eux, n’avaient pas relâché les leurs, et la plupart de ceux-ci furent jetés en prison et y demeurèrent sans jugement, des mois durant dans plusieurs cas. Comme toujours, la police ayant l’habitude de faire un gâchis, des gens absolument étrangers aux événements furent arrêtés. J’ai déjà parlé de Douglas Thompson qui avait été blessé au début d’avril ; nous l’avions ensuite perdu de vue, comme cela arrivait généralement lorsqu’un homme était évacué, les blessés étant soumis à de fréquents changements d’hôpitaux. En fait il avait été évacué sur l’hôpital de Tarragone, puis renvoyé à Barcelone, à peu près au moment où commencèrent les troubles. Le mardi matin je le rencontrai dans la rue, tout effaré d’entendre éclater de tous côtés des fusillades. Il me posa la question que tout le monde posait :
    « Mais que diable se passe-t-il ? »
    Je lui expliquai tant bien que mal. Thompson dit aussitôt :
    « Je ne vais pas me mêler de tout cela. Mon bras

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