Iacobus
fascinée.
— Fuyons ! criai-je en retirant mon
heaume et la cape, tirant Jonas par le bras.
Nous courûmes vers la galerie d’accès, espérant
parvenir à la sortie avant les Templiers. Je repris la torche à l’endroit où
Sara l’avait laissée, et, tandis que Jonas nous suivait comme un somnambule,
cherchai frénétiquement les traces des entailles. Nous courions, persuadés
qu’ils allaient nous rattraper à tout instant, effrayés par les cris et le
fracas des pas. Après avoir traversé d’innombrables salles et galeries, un
escalier nous fit remonter, vers la surface, espérai-je. Plus d’une fois,
j’entendis les aboiements menaçants de leurs chiens, ainsi que le bruit de
chevaux lancés au galop dans les tunnels. De fragiles ponts de corde ou
passerelles de bois suspendus au-dessus d’abîmes insondables nous menèrent, les
jambes endolories, le souffle court, trempés de sueur, dans une enceinte de
grande dimension mais sans aucune sortie. Quelques petits orifices en liseré
laissaient passer de merveilleux rayons de soleil.
— C’est la sortie ! cria Sara en
indiquant les rayures sur le sol.
— Quelle sortie ? se moqua Jonas d’une
voix sans énergie.
— Celle-là, murmurai-je en lui indiquant
une étrange silhouette sur la paroi rocheuse.
J’avais à peine prononcé ces mots qu’on entendit
un rugissement lointain, une espèce de brame qui semblait surgir des entrailles
de la terre. Le sol et les murs se mirent à trembler.
— Que se passe-t-il ? m’exclamai-je,
inquiet.
— Je ne sais pas, répondit Jonas en
dirigeant son regard vers le tunnel, mais je n’aime pas du tout ce bruit.
— Ne perdons pas de temps, nous pressa
Sara, la sortie, don Galcerán.
— Ah oui ! la sortie.
Une
partie de la paroi rocheuse en face de nous avait été construite
artificiellement avec de grandes pierres de taille ajustées entre elles. Au ras
du sol, en guise de porte, un des blocs présentait un cercle gravé avec un
point en son centre.
Dans la Kabbale, ce signe représentait le soleil
– l’Un –, et il était évident que sa présence n’était due ni au hasard ni à un
caprice décoratif. C’était notre dernier obstacle avant cette sortie que
promettait la lumière dispensée par la bordure. Le symbole solaire était la clé
pour quitter le labyrinthe souterrain. Je me retrouvais dans la même situation
qu’avec les pistes placées tout au long du chemin de Compostelle. Il nous
fallait déplacer une dalle ou une roche pour atteindre notre objectif comme à
Jaca, San Millan ou San Juan de Ortega. Mais ici, au lieu du Tau, nous avions
le symbole de l’or. Qu’est-ce que cela pouvait signifier ?
— Je n’aime pas ce bruit, murmura Jonas,
faisant quelques pas dans le tunnel pour mieux entendre l’effroyable son qui
provenait des entrailles de la terre.
Le sol tremblait de plus en plus sous nos pieds.
— La sortie, don Galcerán, la sortie, me
pressa Sara d’un ton angoissé.
La sortie... Le bloc marqué du symbole solaire
paraissait soutenir toute l’armature des pierres et créer ainsi un piège
mortel : si nous le retirions en le poussant vers l’avant, toute la
structure s’effondrerait, nous fermant la route pour toujours.
Ego sum lux, disait le
chapiteau à Eunate. Porte solaire, porte du soleil, porte de la lumière,
ouvertures par lesquelles se glissait la lumière... Mais si nous étions arrivés
ici de nuit, comme ce fut le cas à San Juan de Ortega, la lumière n’aurait pu
pénétrer... La lumière, le rayon de lumière qui illuminait le chapiteau de
l’Annonciation à San Juan de Ortega... Pourquoi toujours la lumière ?
— Dieu ait pitié de nous ! s’écria
Jonas en se tournant vers moi, désespéré. Ils inondent les galeries !
— Quoi ?
— Ils ont dû lâcher l’eau d’un ancien
bassin romain pour inonder cette partie des galeries et nous noyer ! Vous
n’entendez donc pas ? Ruina Montium... Ce bruit
est celui de l’eau, de l’eau qui se dirige vers nous !
Nous étions pris dans une ratière !
— La sortie, don Galcerán ! la
sortie ! cria Sara.
— La sortie, père ! dit Jonas
s’approchant de moi.
Pourquoi mes pensées vagabondaient-elles vers un
lointain passé au lieu de chercher la solution de l’énigme de la porte
solaire ? Pourquoi, tandis que je passais un bras autour des épaules de
mon fils, revoyais-je des images de ma jeunesse ? Moi, me promenant dans
les champs sous le
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