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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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patte le dos d’un ours dont la léthargie symbolise la vieillesse et la
mort. Mais le plus intéressant de l’ensemble était les mots inscrits au pied du
tympan : «  Vivere si queris qui mords lege teneris. Hue splicando veni
renuens fomenta veneni. Cor viciis munda, pereas ne morte secunda [13]  » À quoi d’autre pouvait faire allusion cet
appel : « Si tu désires vivre, toi qui es soumis à la loi de la
mort... », si ce n’est au début même du processus initiatique ? Jaca
n’était-elle pas la première ville du Chemin sacré indiqué au ciel par la Voie
lactée et emprunté par des millions de personnes depuis que le monde était
monde ? Saint-Jacques ne fut que l’explication par l’Église d’un phénomène
païen dont les origines étaient très lointaines. Bien avant la naissance de
Jésus en Palestine, l’humanité voyageait déjà infatigablement vers le bout du
monde jusqu’à ce lieu connu sous le nom de Finisterrae, la fin de la
terre.
    La cathédrale abritait donc quelque chose de
très important qu’il me fallait découvrir car si les lions pouvaient signaler
l’existence d’un secret, jamais ils ne le révéleraient. Je parcourus l’église
de fond en comble, visitai chaque coin, chaque pilier, chaque colonne et chaque
stalle, et trouvai enfin ce que je cherchais près du cloître, dans la chapelle
Santa-Oriosa. Il s’agissait d’une toute petite statue de la Vierge cachée dans
les ombres. Elle était assise et portait une croix en forme de
« Tau » ! Dépourvue de tout symbole de sa grandeur, la jeune
femme, revêtue des atours de la Cour, portait une simple couronne ducale, et
arborait un sourire narquois. Son attitude, le torse en arrière, les jambes
lourdement appuyées sur le sol pour supporter le poids de la croix, sa façon de
s’asseoir au bord du banc, était destinée à mettre en avant le Tau comme pour
dire : « Regardez bien, vous qui êtes arrivé jusqu’ici, regardez bien
cette croix qui n’est pas une croix mais un signe. » Je demeurai là
quelques instants puis repartis d’un pas joyeux vers mon auberge.
    Le lendemain, je me rendis de bonne heure à
l’hôpital de Sainte-Christine. Jonas dormait encore quand j’arrivai. Je
m’approchai doucement pour ne pas réveiller les autres malades qui se
trouvaient dans la salle et notai avec satisfaction comme tout semblait propre
et aéré. Je ne pus m’empêcher de penser à mon hospice de Rhodes. Comme il me
manquait ! Pour la première fois, cependant, j’eus l’inexplicable
pressentiment que je ne le reverrais jamais.
    Sur le lit voisin, un vieil homme d’aspect
malingre, au crâne dégarni, me regardait fixement de ses grands yeux noirs et
brillants. Il se sécha les lèvres après avoir bu une longue gorgée d’eau dans
une calebasse qu’il reposa au sol. Son regard dur et ardent, ses mouvements
souples, son petit sourire rusé contrastaient avec son apparence maladive.
    — Vous êtes Galcerán de Born, le père de
Garcia, me dit-il avec une assurance qui me surprit.
    Je ne me souvenais pas de l’avoir vu le jour où
j’avais laissé Jonas.
    — En effet, et vous, qui êtes-vous ?
murmurai-je tout en m’asseyant doucement au chevet du garçon.
    — Oh ! moi, je ne suis personne,
chevalier, personne !
    Je souris. Ce n’était qu’un pauvre vieux à
moitié fou.
    — Vous me rappelez Ulysse, commentai-je de
bonne humeur, qui dit s’appeler Personne pour tromper le cyclope Polyphème [14] .
    — Eh bien ! appelez-moi Personne si
vous voulez. Quelle importance avoir un nom un jour et un autre demain ?
Tout est semblable et différent à la fois, mais je reste le même quel que soit
mon nom.
    — Je vois que vous êtes un homme sage,
dis-je pour le flatter bien qu’en réalité il me fît un peu pitié. Il proférait
un tel chapelet de bêtises !
    — Mes paroles ne sont pas des bêtises, don
Galcerán, il vous suffirait d’y réfléchir un peu pour vous en apercevoir.
    Je ne pus retenir un geste de surprise et le
regardai plus attentivement.
    — Qu’y a-t-il de si surprenant ? me
demanda-t-il.
    — Vous avez répondu à ce que j’ai pensé et
non à ce que j’ai dit.
    — Quelle différence entre les deux ?
Observez les gens avec attention, vous verrez que, lorsqu’ils parlent, leur
visage et leur corps expriment ce qu’ils pensent en réalité.
    Je souris de nouveau, amusé. Ce sac d’os
démantibulé était un homme perspicace et finaud. Rien de

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