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Il était une fois le Titanic

Il était une fois le Titanic

Titel: Il était une fois le Titanic Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: G.A. Jaeger
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Passant de bouche à oreille, ils finissaient naturellement par être dénaturés. Mais la course aux nouvelles ne s’embarrassait guère de morale et d’objectivité, pourvu qu’elle fît vendre du papier. Suivant les cas, plusieurs éditions étaient tirées dans la même journée, traitant pour ainsi dire l’actualité en temps réel.

    Alors que le Carpathia venait à peine de transborder les rescapés, le New York Times titrait sur la catastrophe en précisant qu’elle n’avait pas fait de victimes et que le paquebot géant était remorqué vers Halifax… Informations démenties le lendemain matin, mais le mal était fait : pensant retrouver leurs proches sains et saufs, nombre de familles de naufragés avaient pris un train pour Halifax dans la précipitation et la White Star Line, abusée comme tout le monde, avait mis en place un rapatriement par chemin de fer vers les États-Unis.
    La terrible réalité
    Le Times ne fut pas le seul journal à jouer avec le feu. À la une du Denver Times , ce même jour, on pouvait lire sur sept colonnes que deux mille vies avaient été épargnées 244 et que tout avait été mis en œuvre pour éviter une tragédie… On racontait aussi, avec le plus grand sérieux, que tous les navires croisant sur l’Atlantique Nord au moment du drame avaient convergé vers le Titanic aussitôt lancés les premiers appels au secours. La certitude que la civilisation venait d’échapper à son propre naufrage était sauve, et pour s’en convaincre on avait établi la liste des milliardaires qui se trouvaient à bord et avaient survécu. Le monde se rassurait en décrétant qu’il pouvait croire en l’avenir, puisqu’il maîtrisait le pire. Il fallut pourtant déchanter.
    Il était à peu près 17 heures sur la côte Est, le 15 avril, lorsque Philip Franklin, eut confirmation de la terrible réalité qui s’était abattue sur le pavillon de la White Star. L’insubmersible Titanic avait trahi les certitudes de toute une génération. En plus de la souffrance personnelle qui allait accabler des milliers de personnes, il faudrait supporter la désillusion collective, se défendre des attaques dont la
compagnie et le chantier naval seraient les cibles et tâcher de surmonter la responsabilité que l’opinion ne manquerait pas de leur faire porter.
    Deux heures plus tard, Franklin réunissait les journalistes au siège de l’International Mercantile Maritime Company pour leur annoncer, la voix cassée par l’émotion, que le fleuron de la White Star Line avait bel et bien coulé à 0h25, heure de New York… mais surtout qu’avec lui, selon les premières informations parvenues du Carpathia qui les avait repêchées, plus de la moitié des personnes embarquées avaient perdu la vie. À la question des reporters lui demandant les noms de personnalités saines et sauves, il cita notamment celui de Joseph Bruce Ismay.
    Les journaux prirent acte des informations officielles qui leur étaient fournies et les rédactions démentirent les assertions distillées la veille. Toute la presse titra sur cette nouvelle réalité en l’illustrant de photographies du navire lors de son lancement ou de sa mise en service sur le fleuve Lagan. Des dessins et des cartes de l’Atlantique Nord fleurirent au milieu d’articles approximatifs, où les premières spéculations jetaient encore timidement le doute sur la fiabilité du paquebot et la compétence de son équipage.
    En début de soirée, les typographes mirent la dernière main aux éditions du 16 avril, tandis qu’au « marbre » on préparait les manchettes sur lesquelles on lirait que mille deux cent cinquante personnes avaient trouvé la mort. Le New York Times annonçait quant à lui que huit cent soixante-six rescapés avaient été secourus par le Carpathia . On précisait en général que Joseph Ismay était sain et sauf, peut-être aussi Mrs Astor, mais que l’on n’avait pas encore établi la liste des disparus 245 . On s’approchait lentement de la terrible vérité.

    Dans tous les États-Unis, ce fut la même effervescence. Les rotatives tournèrent ce soir-là plus longtemps que d’habitude. Des millions d’exemplaires seraient vendus à la criée. Pour le Boston American , entre mille deux cents et mille cinq cents personnes avaient succombé dans le naufrage de l’insubmersible Titanic , dont le constructeur avait vanté la sécurité à des milliers d’âmes à jamais perdues. Quotidien publié dans le

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