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Il neigeait

Il neigeait

Titel: Il neigeait Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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D’Herbigny se retrouve dans le dos
d’un cavalier en redingote verte qui brandit une lance, il lui plonge sa lame
sous la clavicule. Des escadrons de chasseurs et de lanciers polonais arrivent
enfin à la rescousse, les derniers cosaques tournent bride, ils les
pourchassent. Des grenadiers aident le docteur Yvan à poser les blessés sur
l’herbe. D’Herbigny remarque qu’ils portent l’homme qu’il a transpercé.
    — Il n’a pas l’air très tartare, dit-il aux
pseudo-brancardiers.
    — Lui, ah non.
    — Qui est-ce ?
    — Un aide de camp de not’ major général. Il avait brisé
son sabre dans la tripe d’un d’ces maudits, et il lui avait pris sa lance pour
continuer à se battre.
    Si fier d’avoir sauvé la vie de son Empereur, le capitaine
pensait que dans le noir tout le monde peut se tromper.
     
    Vers six heures du soir, le conseil de guerre se réunit dans
une grange. Coudes sur la table, poings aux tempes, sans ôter sa redingote ni
son chapeau, Napoléon parcourait d’un œil morne ses cartes déroulées. Murat
s’était jeté sur un banc contre la paroi ; il avait posé sa toque à
aigrette près du bougeoir. Les autres maréchaux attendaient debout que
l’Empereur se décide sur la route à prendre. Celui-ci avait passé sa journée à
reconnaître la ville où ses bataillons avaient combattu à la baïonnette, mais
ce n’était plus une ville, plutôt un brûlis, aucune maison n’avait résisté aux
canons russes, ni même les forêts qui les encadraient jusqu’au sommet. Les
cadavres alignés indiquaient approximativement l’ancien tracé des rues ;
seule l’église avait encore une forme, en bas, près du pont qui passait la
rivière. Le prince Eugène lui avait montré l’endroit où le général Delzons
avait été tué de trois balles… L’Empereur dit enfin :
    — Koutouzov a retiré ses armées, ses bagages
l’encombrent, il a perdu des milliers d’hommes, c’est le moment de l’enfoncer.
    — Peut-être, sire, se contente-t-il de changer de
position…
    — Si on l’attaque maintenant, nous ouvrons la route du
Sud.
    — Avec quelles troupes, sire ?
    — Nous en avons un nombre suffisant ! J’ai vu les
morts de Koutouzov, vous entendez ? Je les ai vus ! La plupart, ce
sont des jeunes recrues en vestes grises, qui servent depuis deux mois et ne
savent pas se battre. Son infanterie ? Il n’y a que le premier rang
composé de vrais soldats, et derrière ? ces jeunes, des moujiks, des
paysans armés de piques, des miliciens levés dans la capitale…
    — Sire, nous venons de perdre au moins deux mille
hommes, et combien de blessés allons-nous emmener dans cette poursuite ?
Rentrons au plus vite à Smolensk avant les grands froids.
    — Le temps est superbe, trancha l’Empereur, il tiendra
encore une semaine, et à cette époque nous serons à l’abri.
    — À Kalouga ?
    — Nous nous y reposerons, nous nous y ravitaillerons,
nous y acheminerons des renforts…
    — L’hiver peut tomber du jour au lendemain, sire.
    — Huit jours, je vous dis !
    — Dépêchons-nous, proposait Murat. En une semaine, à
marche forcée, nous sommes à Smolensk.
    — À marche forcée ! ironisait Davout, dans une
campagne dévastée et le ventre creux ? Parce que, bien sûr, le roi de
Naples nous propose de prendre la route de l’aller !
    — C’est la plus courte !
    — Et vous, que proposez-vous ? dit sèchement
l’Empereur à Davout.
    — Ici, vers Juchnov, par la voie du milieu, répondit le
maréchal, lunettes rondes au bout du nez et le nez sur la carte.
    — Perte de temps ! dit Murat.
    — Cette région, au moins, n’a connu aucune bataille,
nous y trouverons les provisions qui commencent à manquer.
    — Assez de cris ! dit Napoléon en balayant les
cartes de sa manche. C’est à moi de choisir.
    — Nous espérons vos instructions, sire.
    — Demain !
    Ils s’en allèrent sur cette indécision quand l’Empereur
retint le major général :
    — Berthier, qu’en pensez-vous ?
    — Nous ne sommes plus en mesure de livrer une bataille.
    — Pourtant j’ai raison, je le sais. Koutouzov ! Il
n’y a qu’à le pousser pour qu’il tombe !
    — Un mouvement rapide, sire, signifierait que nous
abandonnons les blessés et les civils…
    — Les civils, quelle plaie !
    — Nous leur avons accordé notre protection. Quant aux
blessés, nous devons les emmener, sinon, ce qui nous reste de soldats en perdra
sa foi en Votre

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