Indomptable
émoi secoua l’église. La mariée venait de faire son
apparition dans l’embrasure de la porte. L’illumination
vacillante de l’église faisait en sorte que Meg semblait être
enveloppée d’un brouillard argenté de la tête aux pieds, une
fille aussi céleste qu’un clair de lune. Un homme imposant
se dressait derrière elle. Il bloquait quasiment la lumière
provenant du ciel nébuleux.
— Va, dit tout bas Dominic.
Sans un mot de plus, Simon retourna se faufiler dans la
foule agglutinée aux premiers rangs.
Puisque l’héritière de Blackthorne n’avait pas de parents
masculins capables de se tenir à ses côtés et de remettre sa
chaussure à Dominic en signe de transfert du domaine de
son père à celui de son mari, Duncan de Maxwell accompa-
gnait Lady Margaret à la place de John.
La vue du comte écossais marchant aux côtés de Meg
qui s’appuyait contre son bras fit en sorte que quelque chose
de vraiment semblable à de la rage remua profondément en
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ELIZABETH LOWELL
Dominic. Cette férocité le surprit, car il n’avait jamais été un
homme possessif. Pourtant, il savait du plus profond de son
âme qu’il devait être le seul homme à pouvoir l’approcher
d’aussi près, à respirer le doux parfum épicé de son souffle
et de sa peau, à sentir sa chaleur si proche, à être touché de
la même façon qu’il l’avait touchée.
Ensuite, Dominic aperçut les yeux de Meg et oublia la
présence de Duncan, oublia le prêtre qui attendait, oublia
les épées enfoncées dans leur fourreau, attendant qu’un
mot soit ou ne soit pas prononcé. Dominic pouvait unique-
ment regarder sa future femme approcher et il commençait
à comprendre pourquoi les gens ordinaires du château de
Blackthorne regardaient leur maîtresse avec de telles
expressions d’espoir déchirant qui transformaient leurs
visages burinés.
« Si le printemps était fait de chair et pouvait marcher
parmi les mortels à la fin de l’hiver, il aurait les yeux de
cette couleur ; et ils brûleraient de cette façon, deux flammes
vertes jumelles rayonnant de l’espoir que tous les hommes
déposent aux pieds du printemps. »
Le silence suivit la lente progression de Meg le long de
l’allée centrale. Elle ne le remarqua pas. Son regard s’était
arrêté sur la femme étrangère dont le corps séduisant et les
vêtements coûteux laissaient deviner combien Dominic
avait dû payer pour coucher avec elle. Marie ne se rendit
pas compte de l’œillade que lui lançait Meg, car l’amante
regardait Dominic avec appétit.
La mariée suivit le regard de l’amante. Meg s’arrêta de
respirer. Dominic était en train de la regarder approcher,
son corps parfaitement détendu bien que manifestement
puissant. Immobile, il attendait à l’avant de l’église, suivant
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INDOMPTABLE
son cheminement et la regardant fixement tel un aigle ou
un dieu. Il était vêtu de manière semblable à la nuit, et
comme dans la nuit, des éclats de lumière jaillirent de son
obscurité. À la place des étoiles, sa cotte de mailles
scintillait.
Avec un lointain sentiment de choc, Meg se rendit
compte que Dominic portait un haubert sous sa cape noire.
La tension qui irradiait du bras de Duncan sur lequel elle
avait posé la main lui fit comprendre que lui aussi avait
remarqué l’inhabituelle tenue nuptiale.
« Un mariage ou une guerre, pensa Meg. Qu’en
sera-t-il ? »
La question se consumait tant en elle qu’elle pouvait à
peine se concentrer sur la cérémonie. Comme dans un rêve,
elle s’agenouilla, se releva, s’agenouilla, laissant les chants
religieux de la chorale dissimulée couler en elle jusqu’à ce
que le prêtre la regarde sévèrement.
— Je répète, Lady Margaret, entonna le prêtre, c’est
votre droit de refuser ce mariage si tel est ce que vous
désirez, car le mariage est un saint sacrement dans lequel
on entre librement. Acceptez-vous Dominic le Sabre en tant
que véritable époux devant Dieu et devant les hommes ?
Meg déglutit, la gorge sèche, et tenta de forcer un mot à
passer l’étranglement de sa gorge.
Derrière elle s’éleva une agitation qui débuta par
Duncan et se répandit dans la foule. Dans son sillage, on
put entendre de silencieux murmures comme si de l’acier
avait été dégainé. Elle se tourna et regarda le sombre cheva-
lier normand qui l’observait comme si sa seule volonté pou-
vait forcer l’acceptation à
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