Indomptable
considèrent comme maudit.
— Il ne perturbe pas la croix que je porte, dit Meg. Si
l’ancienne clairière appartenait au diable, comme le pensent
certaines personnes, ma croix brûlerait. Ce n’est pas le cas.
Elle repose froide et sereine sur ma poitrine.
Dominic regarda sa femme tandis que le bruit des sabots
s’éloignait, faisant place au silence uniquement troublé par
des chants d’oiseaux et la brise qui venait de se lever. Quand
il relâcha son menton, de petites taches rouges marquaient
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ELIZABETH LOWELL
son teint crémeux, à l’endroit où la cotte de mailles avait
été en contact avec sa peau. Il aurait davantage culpabi-
lisé de lui avoir brièvement fait mal si la certitude qu’elle
venait de rencontrer un amant ne lui broyait pas les tripes
comme le ferait une nourriture froide et indigeste.
« Pas étonnant que mon épouse ait répondu aussi vive-
ment à notre jeu sensuel la nuit dernière. Elle n’est pas un
jeune oisillon fraîchement capturé, mais bien une femelle
faucon déjà habituée au toucher d’un homme.
» Elle me donnera des fils, c’est certain. Elle ne peut
pas davantage résister à l’envol sauvage dans les bras d’un
homme qu’un faucon ne peut résister à l’appel du ciel sau-
vage. Cependant, peu importe à qui elle a pu appartenir
dans le passé, à présent, elle est mienne.
» Et mienne, elle restera. »
Dominic regarda d’un air grave les végétaux éparpillés
sur le sol. Du bout des doigts, Meg avait pratiquement tout
ramassé avec soin, à part quelques semis qui étaient en train
de se dégrader rapidement. Il n’était ni herboriste ni jardi-
nier, mais les semis lui paraissaient familiers. Il était certain
d’en avoir vu pousser beaucoup plus près du château.
S’attendant à ce que Meg proteste, Dominic ramassa
plusieurs semis.
Aucune objection ne se fit entendre, même pas quand
il fourra sans ménagement les semis dans la bourse atta-
chée à la selle de Crusader. Pourtant, lorsqu’il se pencha
pour aider Meg à ramasser le peu de feuilles, de tiges et de
petites racines restantes, elle repoussa ses mains avec force.
— Non, dit Meg. Vos mains sont trop maladroites avec
ces gants. Si vous abîmez les feuilles avant que la potion ne
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INDOMPTABLE
soit préparée, celle-ci ne sera pas assez puissante pour être
utile.
— Est-ce pour cette raison que vous n’avez emmené
ni Eadith ni aucun homme d’armes ? demanda doucement
Dominic. Ils sont trop maladroits ?
Meg ne répondit rien.
— Répondez-moi, chère épouse . Dites-moi pourquoi
vous êtes venue seule dans la forêt.
Les mains de Meg s’immobilisèrent.
— Je…
Dominic attendit avec la certitude grandissante que
quoi qu’il entende par la suite, il s’agirait d’un mensonge.
Ce qu’il entendit fut le silence.
— À quelle distance se trouve le domaine de Carlysle ?
demanda-t-il, prenant soin d’adopter le ton d’une conversa-
tion banale.
Meg laissa échapper un soupir de soulagement face à ce
changement de sujet de conversation. Tout en parlant, elle
continua à ramasser les dernières petites feuilles.
— Il se situe à plus d’une fastidieuse journée de marche,
dit-elle. La lune aurait fait son apparition bien avant que
vous ne puissiez apercevoir le domaine depuis le Vieux Col.
— Moins que cela si l’on fait à cheval la route que vous
avez faite à pied ?
— Oui, même si peu de gens le font. Pourtant, le chemin
est un raccourci par rapport aux routes destinées aux car-
rioles, dit rapidement Meg, soulagée de pouvoir aborder
un sujet anodin. Le chemin est plus court, mais ardu par
endroits. La plupart des gens préfèrent prendre les routes.
Avant que John ne s’affaiblisse, nous voyagions par la route
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ELIZABETH LOWELL
depuis le château jusqu’aux différents domaines, et cela,
plusieurs fois par année.
— Les routes sont-elles en mauvais état ? Est-ce pour
cette raison que vous avez emprunté ce chemin ?
— Non. À son retour, Duncan a envoyé des hommes
pour remettre les routes en bon état.
Dominic plissa les yeux. Si Meg avait vu son regard, elle
ne se serait pas souciée de ramasser les derniers fragments
de feuilles et aurait pris ses jambes à son cou. Mais son
attention était entièrement portée sur la collecte de chaque
précieux morceau de verdure.
— Est-ce que tous les gens ordinaires préfèrent
contourner les collines même s’il faut
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