Interdit
toutes ces nuits, alors qu’il avait failli périr
des mains d’Erik et avait trouvé son appréciation de la vie
renouvelée, le plaisir d’être simplement en vie.
ELIZABETH LOWELL
Ce soir, Duncan serait vulnérable à sa sorcière d’ambre
d’une manière qu’il ne voulait pas.
Elle le savait.
Et lui aussi.
Elle se redressa d’un coup et écarta les riches couver-
tures. Le lin fin et fragile de sa chemise de nuit brillait d’une
lueur spectrale, reflet du feu mourant dans l’âtre. Les pen-
dentifs d’ambre qu’elle portait luisaient avec retenue,
comme des braises disséminées.
Ses yeux miroitaient de la même façon, voilés par des
ténèbres qui n’avaient rien à voir avec la nuit.
Ambre s’enroula dans sa cape, mit sa capuche et se mit
en route pour la chambre du seigneur du château. Elle
n’avait pas besoin de lumière ni de bougie pour éclairer son
chemin. La présence de Duncan était un feu qui brûlait
dans la nuit, guide aussi sûr que l’était l’aurore pour la
journée qui suivait.
Le chemin menant à lui aurait aussi bien pu passer par
une étrange forêt ou un sombre marais. Cela n’aurait rien
changé pour elle. Le chemin était clair. Certain.
Il n’y avait personne dans la grande salle. Les voix des
sentinelles sur les remparts étaient les seuls sons qui
n’étaient pas produits par la tempête. Les pieds d’Ambre
bougeaient sans bruit sur le plancher. Sa cape se soulevait et
dansait autour de ses chevilles à chacun de ses pas.
Il n’y avait pas d’écuyer devant la porte de Duncan. Il
n’avait pas encore eu le temps de choisir un jeune garçon
parmi ceux qui désiraient être initiés aux manières de
la guerre par le légendaire Fléau Écossais. La porte de la
chambre était ouverte, annonçant la confiance du guerrier
qui y dormait.
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INTERDIT
Ambre parcourut la chambre des yeux. Duncan avait
dû se coucher tard. Les flammes flamboyaient toujours dans
la cheminée. Les bougies brûlaient encore dans leurs can-
délabres. Sur un coffre près du lit, une lampe à huile se
consumait doucement, répandant un parfum de romarin
dans la chambre. À côté de la lampe, un fléau d’armes repo-
sait fin prêt, luisant froidement sous les reflets du feu.
La lumière dorée des bougies vacilla légèrement
lorsqu’Ambre pénétra dans la chambre et referma douce-
ment la porte derrière elle. Duncan ne bougea pas. Elle ne
s’attendait pas à ce qu’il le fasse. Bien qu’il ne soit pas
entraîné, Duncan avait l’appréciation d’un Érudit pour
détecter le danger.
Ou, en l’occurrence, l’absence de danger.
La cape d’Ambre glissait au sol avec un bruit étouffé,
suivie de sa longue chemise de nuit, qui était comme un
nuage sur le sol. Ses cheveux d’or frémissaient dans la
lumière du feu. L’ambre doré luisait entre ses seins. Aussi
silencieuse que la flamme d’une bougie, elle se glissa dans
le lit de Duncan.
La peau de Duncan avait un subtil parfum d’épices. Il
avait dû chercher quelque réconfort dans un bain chaud
avant d’aller se coucher, seul. La peau d’Ambre avait la
même fragrance, car elle aussi avait cherché l’étreinte apai-
sante de l’eau.
Mais ce qu’elle désirait vraiment, c’était une étreinte
moins douce, plus fiévreuse… Elle voulait Duncan dans son
corps.
Elle écarta habilement les couvertures. Le dos de
Duncan luisait dans la douce lumière. Il était allongé sur le
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ELIZABETH LOWELL
côté, lui tournant le dos. La puissance nue de ses épaules
était à la fois attirante et menaçante.
Sombre guerrier, qui pouvait faire chanter le fléau
comme personne d’autre.
Avec la délicatesse d’un papillon, elle le caressa du bout
des doigts de la nuque au bas du dos. Bien qu’elle ait eu irré-
sistiblement envie de le toucher, cela lui était douloureux.
Même endormi, le conflit déchirant son âme se déchaînait
sans relâche, vérité contre vérité.
Et vous dites ne jamais m’avoir trahi. De telles machinations
doivent être enseignées aux Érudits, afin que rien ne reste, si ce
n’est le déshonneur.
Mon corps vous connaît. Il vous répond comme à personne
d’autre.
Nous sommes perdus, sorcière. Votre âme a été vendue au
diable il y a bien longtemps.
Vous êtes un feu dans mon sang, dans ma chair, dans mon
âme.
Pourtant, lorsque toutes les vérités étaient pesées et
mesurées, l’une d’elles restait
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