Jack Nicholson
façon subtile, en un piège plus dangereux encore pour Nicholson. Pour Bobby (ou Nicholson), la partie de ping-pong qui l’oppose à son frère (et dans une certaine mesure l’ensemble du film) est gagnée d’avance, son adversaire étant un coincé nerveux portant une minerve. Et l’histoire d’amour est dépourvue de conflits, puisque ni Bobby ni Catherine ne peuvent se sentir vraiment coupables de tromper un personnage si caricatural.
Eastman avait créé un début qui établissait les bases du terrain familial ; c’était brutal, à l’instar du dénouement. Dans la version d’Eastman, Dupea mourait à la fin du film, sa voiture faisant une embardée et tombant d’un pont – une autre allusion spirituelle à la dynastie des Kennedy, cette fois-ci à Chappaquiddick. Sa petite amie, Rayette, survivait et le maudissait.
Ni Rafelson ni Nicholson n’aimait cette conclusion. Nicholson voulait une fin élégiaque – Dupea marchant seul dans la rue. Rafelson n’était pas d’accord : il voulait voir Bobby se débarrasser de Rayette – ou Jack triomphant.
Rafelson pouvait apporter toutes les « améliorations » qu’il voulait. Quand il y avait des désaccords sur le script, Nicholson prenait l’air distant de celui qui est au-dessus de la mêlée. Sa philosophie, c’était qu’il n’y avait qu’un seul chef sur un plateau de cinéma, et que ce chef était le réalisateur.
Eastman se sentit trahie, et fut encore plus en colère quand elle apprit que Rafelson s’était fait créditer au même titre qu’elle pour l’histoire, son nom précédant le pseudonyme qu’elle s’était choisi (Adrien Joyce) sur la même image que celle qui énonçait le crédit qu’elle avait reçu pour le scénario.
Évidemment, elle avait beau être très proche de Jack, elle ne faisait pas partie du club des garçons. Bert Schneider était à BBS le juge suprême des personnes créditées, son pouvoir étant absolu sur le sujet, de même que sur celui des termes des contrats. Bert ne basait pas ses décisions sur une connaissance réelle du travail des différentes personnes qui avaient écrit, et déclarait que les mots n’étaient pas importants et que si les gens désiraient être crédités pour les avoir écrits, c’était – comme il aimait le formuler – « leurs ego contre le sien ».
Les acteurs et les techniciens de Cinq pièces faciles prirent la route du Nord à la fin de l’automne et au début de l’hiver 1969 pour tourner à Baskerfield, en Californie, et à Eugene, dans l’Oregon, ainsi que dans une villa de bord de mer située près de Victoria, chef-lieu de la Colombie-Britannique, une province du Canada faisant face au Pacifique.
La femme de Rafelson, Toby Carr Rafelson, était un membre de l’équipe qui avait joué un rôle crucial dans les premiers succès du réalisateur. Toby choisissait des lieux de tournage inhabituels et dispensait des conseils concernant les décors et les compositions (elle contribua à la remarquable photographie de Cinq pièces faciles, réalisée par l’indispensable Laszlo Kovacs). Elle avait un don particulier pour recréer des intérieurs américains kitsch. Elle fut créditée pour le film en qualité de décoratrice d’intérieur, mais son véritable rôle s’apparentait davantage à celui de chef décoratrice.
Sur le plateau, elle remplissait également une autre tâche officieuse – celle de mère de substitution, lissant les poils hérissés et soignant les ego blessés. Douce et ouverte, elle était la confidente de tout le monde. Même après son divorce d’avec Rafelson, quelques années plus tard, elle allait rester aux côtés de Nicholson, en qualité d’amie et de collaboratrice, pendant plusieurs années.
Ce fut Fred Roos qui choisit les acteurs, bien que Rafelson s’impliquât énormément dans le casting et se vantât d’avoir découvert de jeunes acteurs. Karen Black avait joué le petit rôle d’une prostituée prenant de l’acide dans Easy Rider (Nicholson ne figurait pas dans cette scène et ne la connaissait donc que vaguement). Le rôle de Rayette fut un tremplin pour sa carrière d’actrice. Susan Anspach, qui avait fait partie des acteurs principaux de Hair à Broadway, avait auditionné pour le rôle de Rayette mais insista pour jouer celui de Catherine Van Oost.
Les autres membres de ce parfait ensemble étaient Lois Smith (la sœur compréhensive de Bobby), Ralph Waite (l’insupportable frère de
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