Jack Nicholson
Jack et John Huston s’entendaient toujours bien. Ils adoraient passer du temps ensemble, discuter de boxe et d’art. Jack ne cherchait pas à cacher qu’il considérait John comme l’un de ses pères de substitution. (« Il fait partie des personnes dont je recherche l’approbation. ») Il aimait à se définir comme le « beau-fils » de Huston.
Nicholson fit une exception à sa propre règle, au début de l’année 1983, en acceptant d’apparaître à la télévision pour un hommage rendu à John Huston par l’American Film Institute présenté par Lauren Bacall. À sa table, Jack se leva et prononça quelques mots simples en l’honneur de Huston : « Tu m’as donné envie de faire ce métier et tu m’as donné envie d’essayer de le faire bien, sans trop perdre de temps. Il est évident que je te suis reconnaissant, pour l’amour de ta merveilleuse fille. Mais ce soir, je pense que tu as vraiment fait quelque chose de formidable pour moi. Il faut que j’aille mettre le renard argenté d’Ava Gardner au vestiaire. »
Quand Anjelica décrocha le rôle de Maerose, elle insista pour que Nicholson se voie octroyer celui de Charley Partanna. Son père acquiesça : il pensait que Jack pouvait et devait le faire.
Cependant, Nicholson se montra, comme à son habitude, réticent. Mais les causes de cette réticence caractéristique étaient, dans ce cas précis, assez énigmatiques, L’Honneur des Prizzi semblant en effet être un projet de rêve qui l’unirait aux deux Huston – père et fille.
Or, Nicholson tergiversait tandis que Janet Roach, sous la houlette de Huston, révisait la version du script de Condon. Il ne semblait pas y avoir d’urgence, car les studios se montraient eux aussi réticents. « Ils disent que même Jack Nicholson ne pourrait réussir à rendre sympathique un homme qui tue sa femme pour de l’argent », écrivit John Huston, déçu, à la scénariste Janet Roach au milieu du mois de mars 1984.
Le producteur, Foreman, qui croyait en L’Honneur des Prizzi, continua de faire la tournée des studios jusqu’à ce qu’un accord soit conclu avec ABC Motion Pictures. Nicholson faisait partie du package, bien que le financement fût délicat et que l’acteur n’eût pas encore signé son contrat.
Huston dit à Jack que Charley Partanna devait être interprété comme un homme excessivement stupide, une spécialité de Nicholson qui avait été sous-utilisée ces derniers temps. Jack n’avait aucun mal à simuler la stupidité. Son inquiétude venait plutôt de l’insistance de Huston, qui voulait qu’il adopte un fort accent italien de Brooklyn et qu’il porte une perruque.
Alors que Nicholson continuait de formuler ses doutes, Huston lui écrivit : « Je sais, Jack, que tu as besoin de points d’appui pour t’accrocher au personnage. Faire comprendre au public le plus tôt possible que tu vas jouer un personnage complètement différent de ceux, originaux et libérés, auxquels tu es habitué, est une chose extrêmement importante. Je suis cependant parfaitement sûr qu’au cours des répétitions, nous trouverons plusieurs moyens d’y parvenir. Je suis toujours d’avis qu’il faut que Charley porte une perruque. Ce qui fait l’intérêt de la perruque, c’est d’abord qu’elle n’a pas besoin de dialogues. »
« L’autre jour, au cours de notre conversation, tu as dit que L’Honneur des Prizzi était essentiellement une histoire d’amour du gain. Cela parle d’amour du gain, d’accord, mais d’amour du gain défilant sous la bannière de l’honneur : tout ce qui est bon pour la famille, d’un point de vue matériel, est pour les Prizzi justifiable d’un point de vue moral. Or, il se peut que cette caractéristique décrive assez bien la société de notre époque en général. »
Jack se lança dans les préparatifs. Il mangea beaucoup de pâtes pour obtenir un physique trapu (il adorait les pâtes et arborait de toute façon le plus souvent un physique trapu) et concocta une démarche lourdaude à la Tony Galento, « la paume des mains tournée vers l’arrière ». Il s’inspira pour son regard mi-clos de celui de son chien « quand il vient de tuer un autre chien », déclara-t-il au journaliste. Il visita les bars et les salles de jeu de Brooklyn, passa du temps avec leurs habitués et s’entraîna pour les « dese », « dem », « dose » l .
L’acteur remarqua que la plupart des Italiens ne bougeaient pas
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