Jack Nicholson

m’amuser dans les boîtes où tout le monde à 23 ans. Je ne peux plus faire ça. »
    À Berlin, où il s’était rendu pour la première allemande de Tout peut arriver, il fut aperçu par des journalistes en train de dîner avec la patineuse médaillée d’or aux Jeux olympiques Katarina Witt. Mais d’après Jack, il ne s’agissait pas d’une histoire d’amour : il était, semblait-il, toujours entre deux histoires d’amour.
    « Bien sûr que je me sens seul, déclara la star. Pas seul comme j’ai pu l’être à 25 ans, une solitude qui me rendait très anxieux. Mais j’aimerais avoir une compagne. Le succès de ce film ( Tout peut arriver) n’a pas la saveur qu’il aurait pu avoir si je l’avais partagé directement avec quelqu’un. Et ainsi de suite. C’est la même chose pour tout. Mais vous savez que j’ai beaucoup de chance. J’ai une vie relativement riche et beaucoup d’amis. »
    Il avait sans doute à l’esprit l’imminence de la mort lorsqu’il déclara à un journaliste de Playboy  : « On ne prend conscience de ce qu’on a que quand on l’a perdu. » Et il improvisa quand ce journaliste lui demanda s’il jouissait toujours de l’énergie débordante qui le caractérisait. « La diminution de la puissance de l’homme est une chose très, très humiliante. On peut vivre de fils de fer barbelés et de jus de cafards jusqu’à l’âge de 28 ans sans en payer le prix. Mais à partir d’un certain point, tout devient payant. »
    Jack avait fait trois comédies d’affilée : Monsieur Schmidt, Tout peut arriver et Self-Control. Les scripts s’entassaient. « J’étais à la recherche d’un méchant », confia Nicholson à Army Archerd, le vénérable journaliste de Variety  – un personnage vraiment méchant comme le diabolique Jack de Shining, le Joker de Batman ou le diable des Sorcières d’Eastwick.
    Le projet que l’acteur Leonardo DiCaprio et le réalisateur Martin Scorsese avaient conçu comme une suite de leur très acclamé Aviator intéressait Nicholson. Il s’agissait d’un remake du film hong-kongais de 2002 Internal Affairs , un thriller énergique traitant de policiers sous couverture et de gangsters que le scénariste originaire de Boston William Monahan avait re-situé dans le milieu de la mafia irlandaise de sa ville natale. Il y avait dans le script un personnage extravagant, explosif et déjanté, celui du chef de la mafia recherché par la police et calqué sur le modèle d’un véritable gangster névrosé de Boston nommé Whitey Bulger. Le chef de gang se liait d’amitié avec un flic sous couverture (DiCaprio) alors qu’il insérait ses propres taupes au sein des forces de police.
    DiCaprio et Scorsese essayèrent sans relâche de convaincre Jack. Nicholson n’avait jamais encore travaillé avec Scorsese, l’un des plus grands auteurs d’Amérique. Mais quand il referma le script, l’acteur n’était pas satisfait. Il déclina la proposition à plusieurs reprises. Nicholson voulait jouer un méchant hors du commun. Le script devait contenir « davantage de Jack ». Scorsese était disposé à se plier à sa requête, et Monahan se mit à ajouter des couleurs à un personnage déjà haut en couleur que les policiers surnommaient « The Rock Star ». The Departed, ou Les Infiltrés, y gagna en énergie.
    Scorsese avait rassemblé un excellent casting derrière Nicholson dans le rôle de Frank Costello (troisième tête d’affiche) et DiCaprio dans le rôle de Billy Castigan (première tête d’affiche). Mark Wahlberg et Martin Sheen seraient les détectives sous les ordres de DiCaprio, tandis que Matt Damon, dans le rôle de Colin Sullivan (deuxième tête d’affiche), lui servirait d’équipier. Alec Baldwin aurait un bon rôle d’officier de police, Ray Whitestone serait excellent dans le rôle de l’acolyte de Costello, et Vera Farmiga serait la remarquable femme parmi les hommes, la petite amie et thérapeute de Damon, que ce dernier finit par quitter. Les attentes étaient immenses quand Scorsese lança la production au printemps 2005 à Boston, mais aussi à New York, ville censée passer pour Boston (à Boston, d’après les ragots de plateau, certains membres de l’équipe technique arborèrent des T-shirts des Boston Celtics avant que Jack ne leur interdise de le faire).
    Scorsese, qui avait été nominé cinq fois au titre de meilleur réalisateur, ne possédait aucun Oscar, sa plus récente (et célèbre)