Jack Nicholson
courait, caméra à l’épaule, avec quelques pas d’avance sur les ouvriers.
Quand le contrat de Karloff expira, Corman cessa le tournage. Il fallut attendre quelques mois pour que Leo Gordon et Jack Hill, fidèles de Corman, se mettent à essayer de concocter un scénario qui concorde avec les scènes ayant déjà été tournées. Le script en main, Francis Ford Coppola, qui comptait parmi les jeunes collaborateurs effrontés de Corman, emmena les acteurs et les techniciens en Californie du Nord et dirigea quelques scènes côtières évocatrices.
« Francis devait filmer la scène où Jack Nicholson et Sandra Knight descendaient un chemin de colline dans les bois, se souvient Jack Hill, et au détour du chemin, des centaines de papillons devaient tout à coup se mettre à voler devant eux. Il avait donc envoyé des types attraper des papillons partout sur le plateau, et quand il a lancé "Action", ils ont lâché tous les papillons, et Jack Nicholson est arrivé et a fait n’importe quoi. Du genre agiter les mains, et dire "Ah bon, on tourne ?" Il a détesté chaque minute du tournage ; c’était vraiment une erreur de casting. »
Coppola s’occupa de la mise en scène pendant quelque temps. Monte Hellman pendant deux jours. Et Jack Hill et Dennis Jakob supervisèrent tour à tour quelques scènes.
« Au bout du compte, a déclaré Corman au cours d’une interview, à la fin, il restait encore un jour de tournage, et j’ai demandé à tous mes amis qui étaient réalisateurs s’ils pouvaient venir pour une journée, mais Jack m’a dit : "Je suis aussi bon que tous ces types." Jack a donc réalisé les dernières scènes du tournage, et on a monté le film ensemble xix . »
Le scénario était bourré de bavardages et de non-sens. Le film, qui conserve de fervents admirateurs grâce à – aussi bien qu’en dépit de – son développement en patchwork, représente sans doute le point le plus bas de la carrière de Nicholson. Le jeu de l’acteur paraît juvénile et grave, mais aussi étudié et ridicule. Jack semble complètement perdu dans son rôle.
« J’étais absurde, admettrait Nicholson quelques années plus tard. "Je suis André Duvalier, chausseur français." Je n’étais pas vraiment à la hauteur de cette réplique du haut de mes 23 ans, si vous voyez ce que je veux dire. Dans le costume de Napoléon de Marlon Brando ( Désirée), trop large au niveau des épaules. J’étais vraiment très mauvais xx . »
Quand on travaillait pour Corman, on touchait rarement plus que le minimum syndical, et ce sur des périodes de moins de deux semaines. Par ailleurs, les films comme Le Corbeau et L’Halluciné étaient l’antithèse des œuvres artistiques que vénéraient Jack et son cercle d’amis. Les productions de Corman étaient « le genre de navets que seuls une maman ou un critique des Cahiers peut aller voir et adorer », comme le dirait Rex Reed.
« Je ne les ai jamais trouvés bien, dirait Nicholson en 1973 à l’occasion d’une interview. Je ne suis pas quelqu’un de très nostalgique. C’était juste mauvais. »
Lors d’une autre interview, l’acteur admettrait : « Les premiers films que j’ai faits me sont insupportables parce que tout ce que je vois, c’est un jeune garçon qui essaie d’entrer dans le cinéma par la petite porte, de lancer sa carrière, et tout ce qui ressort, c’est une sorte d’ambition craintive, timide, nue, désespérée. C’est vraiment pathétique. »
« Le problème que j’avais avec les productions à petit budget, c’était que les films étaient tournés en deux semaines. La première semaine et au début de la deuxième, je ne suis pas vraiment dans le personnage. Je l’ai, et dans ma tête, je sais où je veux qu’il aille, et j’ai toutes les impulsions, mais je n’ai pas encore cette pierre gravée dure comme un diamant. On a tendance à surjouer quand on débute dans un rôle, et on a tendance à le montrer. Mais au bout d’un certain temps, quand on y pense toute la journée, on y arrive beaucoup mieux. Dans un film de deux semaines, tout ce que vous pouvez faire, c’est cette première étape de surexposition du personnage. »
Le cinéma brouillon de Corman, avec tous ses clichés, renforçait la tendance à ce que Stanislavski appelait le jeu d’acteur « tampon encreur », c’est-à-dire les effets externes et les mouvements artificiels qui résultaient du manque d’expérience et
Weitere Kostenlose Bücher