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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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jusqu’à la délectation. Son aura, la valeur qu’il donnait aux choses de l’esprit et de la culture, créaient une atmosphère exaltante. Il était, en quelque sorte, le grand prêtre qui donnait leur sens aux idées. Contrairement à nos professeurs qui, quelle que fût leur valeur, « étaient là pour ça » – ce qui ternissait en quelque sorte leur crédibilité –, la gratuité de son approche garantissait que tout, là, était digne et vénérable… bien au-delà du cadre et du temps de la scolarité. Il faisait reculer toujours plus loin l’horizon des connaissances et donnait l’envie d’aller jusque-là, et même au-delà.

    Le Saint-Laurent « au majestueux cours »
    Pour un Québécois, le Saint-Laurent est beaucoup plus qu’un grand fleuve. Il imprègne profondément son identité culturelle. Il inspire des sentiments de solennité et d’appartenance. « Sous l’œil de Dieu, près du fleuve géant – le Saint-Laurent au majestueux cours » : ces mots de l’hymne national, chanté à l’école, lui conféraient cette dimension mythique déjà présente dans le folklore de la « Belle Province » et que Gilles Vigneault exprime si bien.
    Le Saint-Laurent a tôt fait partie de ma vie. Je me vois ramant avec vigueur pour remonter la voie argentée que les rayons du soleil réfléchis sur le lac bleu et venteux tracent vers le large. À chaque vague, les blancs embruns m’aspergent. Le soir, à l’horizon dégagé du lac, le flamboiement de rouges, roses et ocres se reflète sur les longues et lentes houles.
    Mais sa vraie dimension, je l’ai découverte à l’occasion d’une longue randonnée pédestre dans le comté de Charlevoix. Pendant dix jours, nous avons arpenté la route des hautes crêtes. La vue plongeait sur la nappe bleu azur qui s’étalait tout en bas. Je ne la quittais pas des yeux. Quand le sentier s’en éloignait et que l’eau disparaissait, j’attendais le moment de la retrouver, guettant son retour à chaque tournant.
    La ligne tranchante de l’horizon marin m’interpellait avec insistance. Elle avivait mon envie d’aller voir au-delà et mon désir profond de visiter la planète. Sur des goélettes qui, de port en port, faisaient du cabotage, j’ai parcouru le fleuve jusqu’à l’océan. J’ai observé les signaux lumineux des phares éparpillés tout au long des côtes et des anses. Couché sur les cordages du pont, j’ai suivi pendant des heures les lents mouvements des fanaux de vigie parmi les constellations. À chaque rade de la côte nord, des foules impatientes et enthousiastes attendaient le bateau : il n’y avait, à cette époque, ni route ni aéroport.
    Depuis, j’ai beaucoup visité la planète. J’ai navigué sur le Nil, l’Amazone et le Yang Tsé Kiang. Le Saint-Laurent n’est ni le plus grand ni le plus puissant fleuve du globe. Pourtant rien, pour moi, ne dépasse l’émotion que sa vue suscite quand se découvre devant moi l’immense surface aquatique, bleue ou grise selon les jours, de la côte gaspésienne.

Deuxième partie
    Ouverture (vivace)

Chapitre 6
    À la rencontre des astronomes.
 Les étoiles de Wolf-Rayet
    V ers la fin de mes études de collège (1950), ma décision de devenir astronome fermement prise, je savais qu’il me faudrait, pour y parvenir, poursuivre de longues années d’études. Dans mon impatience, je formais le projet de séjourner dans un observatoire. Je voulais découvrir l’ambiance qui y régnait, que je ne connaissais qu’au travers de mes lectures, rencontrer des gens du métier, contempler le ciel au moyen d’un grand télescope et goûter à l’atmosphère des nuits passées à le scruter.
    Je résolus donc de tenter ma chance et d’écrire à plusieurs des hauts lieux de la profession. Malgré mon inexpérience, je pourrais peut-être, du moins je l’espérais, être de quelque utilité. Une petite main pour les travaux les plus simples, là où on pourrait avoir besoin d’aide.
    Écrire, mais où ? Le choix est vaste. Pourtant, dans la tradition familiale, un nom s’impose : Harvard College Observatory à Cambridge, Massachusetts. De fait, le mot « Harvard » est chez nous l’objet de la plus grande vénération. Mon père y avait entrepris des études d’architecture, qu’il n’avait malheureusement pas pu achever pour des raisons liées à la guerre de 1914. Le Père Louis-Marie y avait obtenu un doctorat en botanique avec les félicitations du jury. Ma

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