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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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que ce site est comme un lieu de culte où les officiants se plient volontiers à la réglementation qu’exige le grandiose projet de scruter le ciel.
    Là-haut, les dômes se dessinent sur la nuit étoilée. Dans le fond sonore des cris des grenouilles, on entend le claquement sec des moteurs des télescopes que l’on fait tourner et que l’on perçoit de temps à autre. Ça sent bon les conifères. Un jeune homme venu nous accueillir me guide avec une lampe de poche. Comme les pirates des contes d’enfants, il ne voit que d’un œil : l’autre est recouvert d’une étoffe noire. Sur le sentier, nous croisons une jeune femme portant le même bandeau. Devinant ma surprise, mon compagnon m’explique. Notre vue met beaucoup de temps (plus de vingt minutes) à s’accommoder à l’obscurité. En voilant un œil, on le rend plus rapidement opérationnel derrière l’oculaire du télescope. Le spectacle, que je reverrai chaque nuit, de ces borgnes volontaires est maintenant chose d’un passé révolu. Aujourd’hui, on projette les images du ciel sur des écrans lumineux et l’œil n’a plus sa place auprès des lentilles.

    Un voyage sur la Lune
    Le soir de mon arrivée, la Lune est presque pleine et, en cadeau de bienvenue, on m’y propose un voyage à bord du plus grand télescope (presque 3 mètres). L’instrument s’oriente lentement vers elle. Soudain, l’oculaire s’illumine et mon regard est ébloui. Le champ optique ne couvre qu’une faible partie du disque lunaire. Près du bord, j’aperçois un grand cratère flanqué de falaises sombres. Un pic en forme de pyramide escarpée se dresse au centre. Le contraste estnet entre les faces éclairées par la lumière crue du Soleil et les ombres allongées qui se projettent sur le sol. Peu à peu, l’image entière glisse vers la gauche, tandis qu’à droite une grande surface noirâtre envahit le champ : c’est une « mer » de lave durcie. Émerveillé comme si je me trouvais à bord d’un vaisseau spatial, je regarde les paysages se dérouler jusqu’aux confins de notre satellite : cratères de toutes dimensions, failles profondes, montagnes… Je n’ai jamais oublié l’exaltation que ce périple visuel, qui me fut offert grâce à cette immense structure de tubes et de rouages, a provoquée en moi.

    Les étoiles de Wolf-Rayet
    Le programme de ma première nuit, en compagnie d’un chercheur indien toujours coiffé d’un turban princier, Vaino Bappu, est consacré à l’observation d’un type d’étoiles dites de Wolf-Rayet (WR). Il s’agit d’étoiles géantes bleues extrêmement lumineuses, qui brillent comme plusieurs dizaines de milliers de Soleils. L’analyse de leur lumière montre la présence à leur surface d’atomes de carbone, d’azote et d’oxygène, mais on n’y détecte pas d’hydrogène. Cette absence semble être un sujet de grand étonnement pour la communauté des astronomes. Cet été-là, ce phénomène monopolise l’attention de la plupart des chercheurs de l’observatoire. À la suite de Bappu, bon nombre de jeunes chercheurs abandonnent leurs programmes, qu’ils jugent tout à coup routiniers.
    Une histoire tout à fait de circonstance se racontait sous le manteau. Il y a, disait-on, deux sortes d’astronomes et voici comment on les distingue. Une supernova éclate dans le champ télescopique d’un chercheur en train d’étudier une étoile de faible magnitude. S’il est de la première espèce, il s’exclame : « Quelle chance ! » et, quittant son programme, il oriente ses efforts vers l’observation decet astre fabuleux. S’il est de la seconde, il décrète : « Quelle nuisance ! Cette nuit n’apportera rien à mon programme. » Il ferme le télescope et va se coucher… Vaino Bappu et ses collègues appartenaient à la première…
    Dans la chambre noire où nous développons les photos des spectres de leur lumière, je questionne Vaino Bappu : « Pourquoi l’absence d’hydrogène dans les étoiles WR est-elle si étonnante ? » C’est que l’hydrogène est omniprésent dans l’Univers. On en trouve partout dans les étoiles et les nébuleuses. En fait, l’Univers est constitué à 90 % d’atomes d’hydrogène. Pourquoi est-il absent de ces étoiles ? Cette question allait trouver sa réponse quelques années plus tard dans le cadre d’un nouveau chapitre de l’astrophysique sur lequel j’allais concentrer mes propres recherches : la nucléosynthèse ou

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