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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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en fait de particules rapides qui circulent dans l’espace à des vitesses voisines de celle de la lumière. On y trouve surtout des protons et des électrons, accompagnés de quelques noyaux atomiques plus lourds : hélium, carbone, oxygène et même uranium. Des événements particulièrement violents (explosions d’étoiles, orages magnétiques) accélèrent ces particules, qui se propagent ensuite jusqu’aux confins de la galaxie. L’étude de ces rayons cosmiques a joué un rôle fondamental dans la physique contemporaine. Grâce à lui, on a découvert plusieurs particules nouvelles.
    Pendant la dernière année de mon diplôme universitaire (1954), on envoyait des émulsions photographiques jusqu’à la haute atmosphère dans des ballons gonflés à l’hélium. Les rayons cosmiques y laissaient des traces distinctes, que l’on identifiait par la suite en laboratoire.
    La recherche scientifique implique toujours de longues phases de tâtonnement, pendant lesquelles on tente de mettre au point les appareillages appropriés pour les expériences. Pierre Demers avait entrepris d’améliorer la sensibilité des émulsions en en modifiant progressivement lacomposition chimique. Pour pénétrer dans la chambre noire où il concoctait sa chimie, il fallait d’abord se glisser au travers de plusieurs épaisseurs de rideaux lourds et opaques. Dans la pièce, faiblement éclairée par une lampe rouge, s’alignaient de nombreux flacons de liquides aux odeurs de pharmacie. Des tissus tressés, dont la maille fine permettait d’obtenir des émulsions efficaces, pendaient sur une corde à linge. Il nous avouait candidement qu’il s’agissait de rideaux de cuisine subtilisés dans les armoires de sa mère. Pour en tester la qualité, on soumettait les nouvelles émulsions au rayonnement d’une source radioactive (généralement du thorium), puis on les développait en chambre noire. On pouvait alors observer à l’aide d’un microscope les fines traces laissées par les collisions des particules de la source sur le bromure d’argent de l’émulsion photographique. À partir d’un point noir, plusieurs traits plus ou moins pointillés s’y étalaient. Le nombre de traits nous renseignait sur la nature de la cible atomique choquée par les particules rapides. Le nombre d’étoiles nous renseignait sur la sensibilité de l’émulsion. Combien d’heures ai-je passé, l’œil rivé à l’oculaire, déplaçant lentement la plaque, à la recherche des belles « étoiles » engendrées par les collisions ?

    Lancement de ballons stratosphériques
    L’été venu, nous embarquons les meilleures émulsions dans la nacelle d’un ballon. Elles iront en haute altitude, là où les rayons cosmiques sont plus intenses. Nous attendons le lancement avec impatience. Les vents doivent être faibles pour que le ballon puisse s’élever à la verticale et éviter ainsi de heurter les bâtiments environnants. Un matin, très tôt, toute l’équipe de Pierre Demers se retrouve sur la colline du Mont-Royal, derrière les édifices jaunes de l’université. Le ballon dégonflé gît sur le sol, à proximitéde la nacelle qui contient les précieuses émulsions. Des bonbonnes, que l’on a déchargées d’une fourgonnette, lui injectent de l’hélium. Il se soulève et prend lentement sa forme. Une grosse corde le maintient attaché au véhicule. Maintenant il se dresse, prêt à bondir dès qu’on l’aura libéré. La tension est grande quand Pierre Demers lui arrime la nacelle. Chacun s’approche, saisit un câble pour retenir l’ensemble maintenant détaché de la camionnette, et le transporter au sommet de la colline. Au signal de Pierre Demers, on lâche tout.
    Le ballon s’élève dans le ciel bleu azur argenté par le soleil levant. Il prend de la vitesse et paraît de plus en plus petit. Nous fixons attentivement la nacelle et son précieux contenu chargé de recueillir pour nous quelques rayons cosmiques venus des profondeurs de l’espace. Bientôt, on ne voit plus qu’un point blanc que nos jumelles ont peine à suivre parmi les nuages cotonneux.
    Redescendant en silence vers l’université, nous sommes remplis de cette merveilleuse impression d’avoir participé à la grande aventure de la recherche scientifique pour tenter de résoudre toujours un peu plus les énigmes du cosmos. Quelques jours plus tard, un fermier des Cantons-de-l’Est retrouvera la nacelle dans un lac, à une centaine de

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