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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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pourcentages dépendaient de l’énergie des protons qui avaient provoqué la collision. Or les protons des rayons cosmiques ne sont pas confinés à une seule énergie. Leur très large spectre s’étale depuis les valeurs les plus basses jusqu’aux plus élevées. Pour simuler correctement la situation dans l’espace entre les étoiles, il fallait mesurer ces pourcentages à toutes les énergies possibles. Cela allait sérieusement compliquer la tâche. Dans chaque accélérateur, les protons sont bombardés à des énergies bien précises qui diffèrent d’un appareil à l’autre. C’est ainsi que, pendant plusieurs années, les chercheurs d’Orsay ont parcouru l’Europe (Suisse, Allemagne, Angleterre et Union soviétique) pour obtenir de nouvelles données, de nouveaux points à mettre sur les diagrammes des mesures. Travail de longue haleine, nécessitant patience et précision. Je rends ici hommage aux chercheurs qui ont contribué à la réussite de ce programme 1 . D’autres physiciens poursuivaient le même projet aux États-Unis.
    Riches de l’ensemble toujours plus complet des données de ces travaux, nous pouvions aborder avec plus de confiance notre interrogation : les atomes du trio lithium-béryllium-bore proviennent-ils bien de la cassure (spallation 2 ) desnoyaux de carbone et d’oxygène présents dans l’espace interstellaire sous l’effet du bombardement des rayons cosmiques tout au long de la vie de la galaxie ? L’hypothèse devait encore être confirmée par des données quantitatives. Dans le cas présent, il s’agissait, pour chaque élément, de comparer les quantités obtenues en laboratoire avec celles observées dans les étoiles et dans le Système solaire.
    Avec quelques étudiants1 3 dont je dirigeais les thèses de doctorat, nous avions d’interminables discussions à l’Institut d’astrophysique de Paris où je présentais mes cours sur la nucléosynthèse. Évry Schatzman était fréquemment des nôtres.

    Confirmation partielle
    Les premiers résultats furent encourageants et permirent bientôt de tirer des conclusions. Notre hypothèse se vérifiait pour quatre de nos noyaux : le lithium-6, le béryllium-9, le bore-10, le bore-11 (voir annexe 1). Mais, pour le lithium-7, le désaccord entre les prédictions de la théorie et les observations était flagrant. Il fallait chercher, dans l’Univers, une autre source de lithium-7. Cependant, quatre sur cinq, ce n’était pas si mal ! Au laboratoire, l’ambianceétait extrêmement dynamique. Nous avions partiellement résolu le problème de l’origine de ces éléments chimiques. Il fallait poursuivre… Nous rédigeâmes bientôt un article présentant notre travail. À notre surprise, la réaction du groupe du professeur William Fowler du California Institute of Technology fut froide et plutôt amère. Je sentis que mon crime de lèse-Caltech pesait encore lourd là-bas. Qui peut croire que le ciel de la science est toujours serein et que les scientifiques ne sont pas sujets aux émotions !
    1 .
    Élie Gradsztajn, Robert Klapisch, Marcelle Epherre, Françoise Yiou et Grant Raisbeck.
    2 .
    Il s’agissait de bombarder des protons rapides sur des noyaux d’atomes de carbone et d’oxygène. Au moment de la collision, le noyau frappé se casse en morceaux. Les débris sont multiples. On y
    trouve en particulier des noyaux d’atomes de lithium, de béryllium et de bore. Ces réactions portent le nom de réactions de « spallation ».
    Soyons plus quantitatifs. Le noyau de carbone est composé de 6 protons et de 6 neutrons. Parmi les débris, on trouve du lithium-6 (3 p + 3 n); du lithium-7 (3 p + 4 n), du béryllium-9 (4 p + 5 n), du bore-10 (5 p + 5 n) et du bore-11 (5 p + 6 n).
    Il s’agissait de mesurer les fractions relatives de formation de chacun de ces noyaux. En d’autres mots, les probabilités de former ces noyaux au moment de la collision. L’idée sous-jacente était que ces atomes sont formés par des collisions de ce type quelque part dans le cosmos. La question : mais où et quand ?
    3 .
    Jean Audouze, Michel Cassé, Sylvie Vauclair.

Chapitre 23
    À l’observatoire d’Arcetri, Florence (Italie)
    J e ne me souviens pas comment, vers 1965, j’ai appris la détection du « rayonnement fossile ». Sans doute par des bruits de couloir à l’occasion de quelque conférence internationale à New York ou à Moscou. La géniale intuition de George Gamow s’avérait

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