Je Suis à L'Est !
faisant des petits bruits, totalement inconscients en général. Donc je tente de faire de même. Il ne faut pas rester plus de quinze ou vingt secondes complètement silencieux, même quand lâautre est en pleine tirade sur je ne sais quel sujet ; il vaut mieux regarder toujours sa montre et essayer de faire un petit bruit de temps en temps. Que lâon ait ou non lâimpression dâêtre au cirque ou à la foire, cela semble fonctionner. Naturellement, il vaut mieux ne pas le faire quand on téléphone à une personne autiste, les bruits pouvant le perturber. De même que les signes dâapprobation. Si les gens recherchent souvent lâapprobation de lâautre, ce nâest pas aussi nettement le cas pour les personnes avec autisme. Je suis toujours surpris de voir à quel point beaucoup dâhommes politiques sont littéralement dépendants de ces gestes dâapprobation, du nombre dâapplaudissements. Sans eux, je pense quâils souffriraient, un peu comme un drogué privé de sa dose, pour se retrouver finalement dans une situation de grande faiblesse, étant incapables de passer ne serait-ce que quelques jours sans signes dâadmiration de la part dâautres personnes. Cela contribue peut-être à expliquer pourquoi les hommes politiques font parfois des folies. Ils sont tellement dépendants que soudain ils peuvent, par exemple pour certaines subventions associatives, donner une somme délirante parce que, pendant une fraction de seconde, ils ont reçu la petite dose de morphine qui leur manquait. Cela donne à réfléchir. Je nâose pas imaginer à quoi ressemblerait un gouvernement composé dâautistes. Cela finirait sans doute très mal !
Et les emails
Les emails sont tout lâinverse du téléphone. On peut écrire quand on veut ou presque. On peut répondre la nuit, on peut commencer plusieurs mails en même temps et ajouter une phrase par-ci, et puis dans un autre une phrase par-là .
Pour moi, au-delà des apparentes facilités techniques offertes par les emails, un problème pour ainsi dire affectif entre en ligne de compte. Il mâest difficile de répondre à certains emails, même si, et peut-être parce que, ils sont très gentils. Les emails de flatteries sont redoutables. Quand quelquâun dit : « Jâai bien aimé votre conférence », que faut-il répondre ? Je me dis alors que je répondrai plus tard. à ceci près que retarder la rédaction dâun email ne fait quâaugmenter la pression psychologique, devient douloureux. Cela demande un effort certain. Les emails techniques sont peut-être les plus faciles à expédier.
Ãcrire des emails exige de connaître une phraséologie diversifiée. Ma gamme nâest toutefois pas infinie, loin de là . Pendant des années, jâétais fort préoccupé par les phrases dâintroduction, la manière dont on sâadresse à son interlocuteur. Peut-on commencer un email par « Bonjour », chose que je nâai jamais faite jusquâà fort récemment ? Est-ce quâon dit « Monsieur », (virgule), ou alors « Cher Monsieur », (virgule) ? En français hors de France, il est assez commun de dire « Monsieur » suivi du prénom, par exemple « Monsieur André », ce qui en français de France est une hérésie ; or, quand jâécris depuis la France à un non-Français en français, puis-je utiliser cette formule ?
Et comment conclure un email ? Faut-il utiliser la tournure pour les lettres « Veuillez agréerâ¦Â » ? Nous sommes en présence dâune innovation perpétuelle, assez perturbante. à une époque, régnait la mode du « à très vite ». Maintenant, je reçois de plus en plus dâemails avec « Chaleureusement ». Mais je nâutilise jamais le « Bien à vous ». Cette phrase-là ne mâa jamais plu. Si je ne suivais que mes goûts, je serais resté à la phrase très protocolaire des lettres classiques : « ⦠que je demeure avec un zèle respectueux de SON EXCELLENCE , le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur ». Au demeurant, jâai écrit, à mes débuts, de pareilles missives,
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