Je Suis à L'Est !
levé la main et dit spontanément, sans me sentir aucunement gêné, que la difficulté majeure était que son cours avait été mal organisé et peu structuré. La prof ne réagit pas. à la fin de lâheure, après que les autres élèves furent partis et que je me retrouvai seul avec elle â ranger mes affaires me prend plus de temps du fait de ma maladresse â, elle laissa libre cours à ses émotions et mâengueula comme il se doit. Alors jâai compris quâil ne fallait pas dire des choses de pareil acabit.
Cela mâinspire dâailleurs une petite réflexion. Dans de pareilles circonstances, on dit parfois quâil faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, ou dâautres sentences analogues. Le sous-entendu étant que les mots blessants émanent dâun mouvement dâhumeur qui peut être remis en perspective, dompté par la rationalité si on le retarde quelque peu. Or, dans le cas des discours blessants des jeunes autistes, je ne crois pas quâun tel délai soit une protection suffisante, puisque le locuteur nâa généralement ni intention ni conscience de blesser verbalement.
Jâai dû ensuite reconstituer la scène, imaginer ce qui sâétait mal passé. Ce fut pour moi fort stressant, mais socialement salutaire. Ce qui avait dû être dâautant plus pénible pour la prof est que la phrase blessante, dite sur un ton parfaitement naturel, émanait du premier de la classe, assis au premier rang ; cela doit être pire que lorsque le cancre hurle des insultes du fond de la classe. Elle a dû être blessée. Ce sont des moments difficiles, mais grâce auxquels on apprend.
Parfois, on vit des situations plus complexes encore. La baffe sociale peut être plus fine, moins apparente, ou ne pas suivre directement la gaffe manifeste que lâon aurait commise juste auparavant. Exemple : une fois, en fin dâannée, une camarade de classe de Sciences Po mâa demandé : « Josef, pourquoi tu ne regardes pas les filles ? » Je nâai rien répondu, étant très mauvais dans les répliques spontanées à des situations imprévues. Tout lâart des hommes politiques est au contraire de savoir reprendre le fil, de rebondir. Mon petit job à la Mairie de Paris est ainsi lâapprentissage de beaucoup de choses.
Lâétape suivante est donc, je le crois, de savoir passer de la gaffe faite suivie de la baffe reçue à la contre-baffe. Je suis sans doute nettement plus « musclé » pour réagir aujourdâhui que quand jâétais gamin. Jâai appris à administrer des contre-baffes, tout en demeurant loin dâégaler certains maîtres en la matière et la manière. Je suis un peu plus fort, voire assez mordant quand je réagis à lâécrit, quand je peux réfléchir à la meilleure stratégie. Je peux même être assez vache. En effet, jâai tendance, lorsque jâobserve les gens, à retenir quelles sont leurs manières, leurs attentes, leur point de vue. Et lâobservation de ces détails donne des arguments que lâon garde généralement pour soi, mais que lâon peut aussi réutiliser au moment opportun.
Les amis, gaffe interdite
Nous en venons à un sujet majeur, mais un défi non moindre pour les personnes autistes : le fait de se trouver des amis. Je crois avoir, après de longues années dâéchecs successifs, plutôt réussi sur ce point, quoique de manière peu orthodoxe, si jâose dire.
à cet égard, pour moi, une date reste marquante : le 29 juin 2002, jour où jâai reçu en même temps une réponse par email de deux personnes croisées sur un forum Internet (ils étaient alors naissants) et qui sont devenues des amis depuis lors.
Le forum en question était celui de Mensa France, une association dont je dirai quelques mots plus loin, et dont jâai été membre pendant un an. Le forum de lâépoque, jâignore ce quâil en est aujourdâhui, était fréquenté par des gens qui pouvaient être intéressants dâaprès mes critères : des gens un peu bizarres et avec lesquels on peut parler de sujets techniques.
Ce qui était absolument nouveau et saisissant pour moi, et lâest
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