Je Suis à L'Est !
ce quâils font. Je parviens toutefois un peu mieux à gérer la solitude que la majorité des gens. Certains sont très solitaires par tempérament, sans être autistes.
Lors des périodes où la charge de boulot est très importante, jâaspirerais à passer une semaine par exemple sans le moindre contact avec quelquâun. Jâenvie les personnes, autistes ou non, qui ont réussi à sâinstaller à la campagne. Le genre dâendroit où, quand une voiture passe â jâaime bien cette expression â, on en parle dans les journaux. Ici, en Asie centrale, les lieux qui stimulent le plus mon imaginaire sont ceux où il y a le moins de monde possible, les montagnes du désert par exemple.
Il est manifeste quâil y a des choses qui me fascinent chez les gens et qui font que jâai envie dâaller vers eux. Ce peut être des éléments qui ne sont pas forcément les mêmes que pour dâautres personnes. Je trouve par exemple assez amusant que les gens sâattachent à des caractéristiques transitoires. Que par exemple tel homme recherche les blondes et non les brunes, ou lâinverse, alors que tout cela est tellement mobile et menteur. La blonde peut, et en France câest dâailleurs le cas de figure le plus fréquent, ne pas être blonde en vérité. Et la nature humaine fait que la jeune blonde svelte, dans quelques années, ne sera plus ni blonde, ni jeune, ni svelte. Il y a dâautres traits qui ne sont même pas vérifiables, et qui pourtant sont déterminants. à lâépoque où jâavais vaguement travaillé pour des magazines féminins, jâétais fort intrigué par les critères exposés dans le courrier des lectrices : chaque fois ou presque, lâêtre décrit était présenté comme quelquâun de super, très drôle, très intelligent. Mais dans quelle mesure cela reflète une nature de lâautre ou une simple projection sur lâautre ? Dâun autre côté, et câest mon tour dâêtre pris par défaut, on peut supposer quâune telle projection, si elle se maintient dans la durée, si elle est bilatérale, peut effectivement rendre la relation réussie, quand bien même elle serait sur des fondements faussés.
Le fondement faussé et ses interrogations liées sont un peu ce que jâappellerais la problématique du maquillage. En quoi, et câest resté un peu une énigme pour moi, les gens quand ils se maquillent se croient beaux ou belles ? Maquillage ou pas, en fait rien de change. Des gens mâont proposé de faire du shopping pour me « relooker ». Cela me paraît étonnant dans le principe. Mais le monde fonctionne ainsi. Mon activité de sabotage consiste donc à porter des vêtements toujours analogues, peu adaptés à la situation. Câest à la fois une question dâhabitude, parce que je suis habitué à être comme cela, et une sorte de muette protestation.
Hodja Nasreddin, figure légendaire de lâAsie musulmane â qui aurait vécu à Boukhara, non loin de Samarkande où jâécris ces lignes â, raconte quâun jour il était invité à dîner chez un notable. Venu à la hâte, il portait encore ses vêtements sales quand il se présenta à la porte. On le chasse, en criant que les mendiants ne sont pas les bienvenus. Alors, il enfile de précieux vêtements, frappe à la porte à nouveau, est accueilli avec mille égards. Assis à la table du prince, il verse de la soupe dans une poche de sa robe, met des morceaux de viande dans son turban. Stupéfaits, ses hôtes lui demandent une explication. Hodja Nasreddin réplique alors quâil nourrit ses vêtements, car au vu de la différence de traitement entre sa première et sa seconde arrivée, ce sont eux qui sont véritablement lâobjet de lâhospitalité. Le lecteur aura sans doute connu des histoires similaires venues par exemple de la Grèce antique. Il sâagit peut-être dâun conte qui traverse les cultures et les peuples. Tout comme ce quâil dénonce demeure vrai, hier comme aujourdâhui.
Lâart de la contre-baffe : le chômage et mon tout premier job
La question de lâemploi des autistes est fort peu abordée. Dans
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