Je Suis à L'Est !
créatrice de mode et dâart, Sébastien, artiste lui aussi, mais humain avant tout, et tant dâautres.
Apprendre à écrire des emails mâa pris beaucoup de temps. Jâavais un tel mal à trouver les mots justes. Mes deux interlocuteurs ne mâen ont pas tenu rigueur â était-ce par rigidité ? Ou au contraire du fait de leur faculté dâadaptation ? Il est intéressant de voir à quel point lâêtre humain est complexe. Le fait quâils mâécrivent régulièrement peut être vécu comme une rigidité intellectuelle de leur part, ou de ma part aussi ; tout comme cela peut être perçu comme un signe dâadaptation, de souplesse. Les catégories psychiatriques sont fort limitées.
Dâordinaire, quand on entre en contact avec des gens « normaux », ils se lassent assez rapidement, ou ils ont certaines attentes qui sont nécessairement plus ou moins déçues. Ou alors au début ils sâenflamment et six mois après on voit quâils ont complètement changé. Comme quoi, fréquenter les non-normaux a du bonâ¦
Se protéger
Je crois, et lâexpérience des années où jâai été médiatiquement très exposé me lâa prouvé jusquâà la caricature, que lâapprentissage des contacts sociaux devrait comporter un apprentissage des moyens de se défendre. Le danger additionnel pour les personnes autistes, en plus de leur maladresse et de leur vulnérabilité, est leur propension à considérer, après des années de rejet et de solitude, chaque contact comme une faveur exceptionnelle, qui dès lors ne saurait être questionnée.
Maintenant, je commence à être un peu rodé. Quand je suis avec quelquâun, ou quand quelquâun mâécrit, je mâefforce dâanalyser ses tournures de phrase, et jâessaie de cerner son profil psychologique. Jây réussis plus ou moins, mais je pense que je mâaméliore petit à petit dans lâexercice. Ce qui me flatte beaucoup, câest quand je suis en contact avec des psys et quâils me disent que parfois les profils psychologiques que je fais des gens sont assez corrects.
Il faut apprendre à se représenter mentalement les problèmes sur lesquels le contact butera probablement. Avec un peu dâexpérience, en ayant dans ma base de données certains profils types de gens, je pense pouvoir le pressentir dans un bon nombre de cas.
Cette approche sécuritaire a deux effets pervers. Dâune part, elle demande des efforts parfois excessifs de ma part, et donc réduit mon envie ou mon énergie dâentretenir le lien avec la personne en question. Dâautre part, je suis sans doute beaucoup trop prudent. Oscar Wilde disait que la seule chose quâon ne regrette jamais, ce sont les folies ; si lâon est trop rationnel et trop prudent avec les gens, cela ne peut pas marcher non plus. Je me sens parfois comme dans LâAvare de Molière. Pas forcément avare dans le sens où je ne donne pas dâargent, mais plutôt dans le sens où lâavare est quelquâun qui réfléchit soigneusement avant dâentreprendre la moindre activité. Et je crois avoir ce type de comportement, qui nécessairement pose quelques problèmes. Il y a toute la question de ce quâil faut confier à lâautre, lui dire ou ne pas lui dire. Vu que dans le passé jâai dit des choses quâil ne fallait pas dire, je suis poussé à la prudence. Je suppose que cela doit être quelque peu agaçant pour les autres, qui attendent un certain nombre de confidences. Cela fait partie du jeu humain. Par exemple, jâai tendance à éviter, dans la mesure du possible, de donner les noms de mes autres amis ou contacts, ou de dire exactement ce que je fais.
En fin de compte, il est très difficile de savoir jusquâoù aller dans un sens ou dans lâautre. à une époque, on mâa accusé dâêtre un agent des services secrets. Je trouve cela assez amusant, ils ont probablement des collaborateurs autrement plus compétents socialement.
Solitude, foule et désert
Est-ce que je souffre de solitude ? Grand classique des questions de lâautisme. Je pense que, comme tout le monde, jâai une certaine envie dâaller vers les autres, dâaller voir
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