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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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l’emploi des personnes handicapées en général, on affirme souvent que le frein majeur à leur inclusion professionnelle est leur manque de qualification. Dans le cas de l’autisme, cet argument ne tient pas – d’ailleurs, dans le cas de l’emploi des personnes handicapées en général, je crois qu’il relève avant tout du prétexte.
    Je pense que si je devais chercher un emploi par la voie ordinaire, je ne trouverais jamais. Malgré la longueur de mon CV, ou à cause d’elle. En dépit de mes apprentissages, sur le plan des compétences évaluées lors des entretiens d’embauche, je n’ai toujours pas les aptitudes qu’un débutant trouverait naturelles. Autant je peux baratiner sur des sujets plutôt abstraits, autant me vendre moi-même est autrement plus ardu. J’ai ainsi non seulement échoué à tous mes entretiens d’embauche sans exception, mais en plus j’ai été victime de diverses mauvaises pratiques : traductions jamais rémunérées, y compris pour de grands éditeurs, rejet et « silence radio » une fois que j’avais benoîtement fait ce qu’on me demandait de faire, etc. Lors d’un entretien, il y a en effet tout un rituel. Vous devez dire « bonjour » d’une certaine manière, serrer la main d’une certaine manière. Montrer que vous êtes la bonne personne qui convient pour le poste en question. Il ne faut pas vous sous-évaluer, ou vous dévaloriser. Il faut fixer la personne du regard. C’est tout un jeu de séduction qu’il faut mettre en place. Autrefois, j’avais tendance, par exemple, à regarder le sol, à être assis d’une manière crispée. Mon langage était beaucoup plus pédant qu’il ne l’est maintenant. La mélodie de ma voix était encore plus monotone qu’aujourd’hui. L’échec ne pouvait être qu’au rendez-vous. Comme me l’a dit le responsable d’une grande entreprise de publicité : si tous les candidats à un stage étaient comme vous, on ne prendrait pas de stagiaire.
    Mais j’ai quand même réussi à avoir un tout premier job. C’était à l’automne 2003, à ma sortie de Sciences Po, une fenêtre de trois mois où les neuroleptiques m’endormaient beaucoup, mais où je pouvais encore, tant bien que mal, être fonctionnel. Et ce n’était pas un vrai travail, plutôt un stage non rémunéré.
    J’avais envoyé mon CV à maintes reprises, croyant encore plus ou moins vaguement à la propagande officielle sur la facilité des diplômés de Sciences Po à trouver un emploi ; que des échecs. L’entreprise en question était différente. Elle m’a accepté sans entretien d’embauche. Une agence de rédaction pour des magazines féminins, à mi-chemin entre agence de presse et agence de pub.
    Peut-être qu’en vérité on m’a pris pour rire. L’agence était en effet féminine de la patronne jusqu’à la jeune secrétaire. Et l’ambiance était étonnante. Lors de la première réunion de l’équipe à laquelle j’assistai, moment formel s’il en est, la patronne, lors du tour de table des choses à faire, s’était vantée de savoir jouir sept fois de suite, avant de se tourner vers moi et d’ajouter que je ne pouvais pas comprendre.
    Ainsi je commençai à apprendre les ficelles du métier de rédacteur. Inutile de dire qu’il a fallu partir de zéro. Je ne connaissais rien de rien, je ne savais pas ce qu’était un jacuzzi… ce genre de chose indispensable pour tout rédacteur de magazine féminin. De même pour les marques de parfums ou les bons restaurants de Paris. Cela a précisément ajouté au défi de la découverte, malgré la difficulté des premiers pas. Pendant quelques semaines, j’ai été incapable de faire un boulot correct, mais petit à petit j’ai appris les éléments de langage, les bouts de phrases, la manière de les assembler, la manière de faire un article. Quand on ne sait pas ce qu’est un jacuzzi, comment décrire les hôtels de luxe en Thaïlande ? Pour moi, Spa était la ville de Belgique qui avait accueilli le haut quartier général allemand

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