Je Suis à L'Est !
précisément pour sâen sortir. Dans mon cas particulier, cela nâaboutit à rien. La date limite de mon job, un an environ encore, approche. Et nul ne sait ce qui arrivera ensuite.
Jâai des amis avec autisme qui sâhabituent à un mode de vie minimal. Aux Ãtats-Unis, on les appellerait des « survivalistes » : des gens qui se disent soit que la fin du monde est imminente, soit que le monde est mauvais, donc il faut sâhabituer à vivre en forêt en mangeant des framboises. Il est vrai que jâai parfois tendance à être séduit par ce type de démarche, pour apprendre à survivre. La littérature en sanskrit tourne souvent autour de ces thématiques : le renoncement, la vie ascétique, le départ dans la forêt, etc. Jâai un ami avec autisme apparenté fonctionnaire, donc un métier plutôt stable, qui a un appartement, mais qui vit à la rue depuis plus de deux ans, été comme hiver. Au début, il a fait cela entre autres comme une démarche de solidarité, aujourdâhui avec une conviction théorique et philosophique. Toute la question est : jusquâà quel point faut-il vivre ce type dâexpérience ?
La recherche (dâemploi)
Quand on me questionne, je réponds que mon souhait professionnel à long terme serait dâêtre enseignant-chercheur dans ma spécialité universitaire, à savoir les sciences religieuses. Je pense que je pourrais assurer des cours dans ce type de domaine, dâautant plus que jâai une certaine connaissance de plusieurs univers culturels. Si je me forme encore pendant quelques années, jâarriverai à faire des choses à peu près correctes. Toute la difficulté consiste à passer les entretiens de sélection. En France, les opportunités sont fort rares, surtout dans ce domaine-là .
Je sais que le milieu de la recherche est dur, je sais que là aussi je me retrouve un peu exclu ; mais jâespère quand même finir par trouver un poste intéressant. En attendant, jâenvisage de partir un an ou deux dans un autre pays pour faire des études dans une autre langue, une autre culture. Une des idées à laquelle je réfléchis est dâémigrer en Inde pour de vraies études de sanskrit. Ce nâest pas irréaliste ; le problème est ce qui arrivera à mon retour.
Je suis un peu comme le moineau qui picore un peu partout. Jâai picoré bon nombre de types de grains. Mais je ne suis quâun moineau, pas un aigle prédateur. Le moineau ne peut que rêvasser, admirer lâérudition dâun Mircea Eliade ou dâautres. Regretter lâépoque où les cultures gardaient en mémoire poésies et textes anciens. De quoi devenir promptement fossile de trilobite.
Â
7
Lâanomalie de la normalité,
 ou pourquoi (ne pas) être normal
Une petite anecdote pourra nous servir dâentrée en matière. Jâaime beaucoup les matchs de foot. Certes, je nây comprends rien ou presque, et mes seuls souvenirs de jeux de ballon à lâécole tiennent en lâimplacable écrasement de la balle humide sur mon visage. Les matchs nâen demeurent pas moins fort intéressants : observez les visages immobiles des gens, leur regard soudain devenu encore plus fuyant que le mien. Leurs gestes spasmodiques, dont aucune loi ne régit la régularité. Mieux, en écoutant le silence de ces soirs de match depuis le balcon, les hurlements rauques de bête fauve me font comprendre cette vérité rassurante : « Josef, tu nâes pas le plus fou du quartierâ¦Â » Il me souvient également dâun de ces textes de dictée de lâécole qui évoquait le cas dâun enfant qui ne percevait pas lâutilité de frapper une balle, et qui de ce fait était jugé par tous, camarades et narrateur, comme un enfant quelque peu demeuré. Une épithète dont je crois bien à présent, avec le cynisme des années et les échos des excès du monde du foot, quâelle a sans doute un champ dâapplication plus étendu.
Devenir normal : faut-il signer le pacte faustien ?
à une époque, jâéprouvais de lâintérêt pour lâhistoire de Faust. Ou plutôt jâétais gêné par elle, par le nombre de ses variantes, ne parvenant pas Ã
Weitere Kostenlose Bücher