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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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Gagnant son cabinet, il y trouva les généraux assemblés et silencieux. La désapprobation était lisible sur leurs visages.
    Les circonstances de l’exécution avaient été particulièrement pénibles. Le jour ne s’étant pas encore levé, Enghien avait reçu l’ordre de tenir une lanterne à la hauteur de sa poitrine, pour diriger le feu du peloton. Il s’y prêta avec tant de courage que les soldats du peloton en furent bouleversés ; ils refusèrent de prendre les vêtements, l’argent et la montre du supplicié, comme c’était la coutume.
    Joséphine n’apprit l’exécution que dans la matinée. On lui attribue une exclamation de regret : « Ah ! Que ne l’ai-je su à temps ! J’aurais détourné ce malheur ! » Mais elle est douteuse : la résistance de son époux à ses supplications ne lui avait certainement plus laissé d’illusions.
    La France entière réprouva elle aussi l’assassinat le plus lâche, de longue mémoire, que le pouvoir eût commis. Enghien n’avait participé à aucun complot ni rien avoué. Moreau n’avait jamais rien fomenté avec Pichegru et Cadoudal. Bonaparte avait fabriqué un amalgame et une querelle d’Allemand.
    Pendant plusieurs jours, il fut taciturne et méfiant à l’égard de ceux qui l’approchaient.
    Restait cependant à régler le sort de Moreau, de Pichegru et de Cadoudal. La rancune qui opposait Bonaparte à Moreau était tenace ; mais le Premier consul ne pouvait infliger à son ennemi le même sort qu’à Enghien ; Moreau, le vainqueur de Hohenlinden, était très populaire et son exécution risquait de déclencher un dangereux retournement dans l’opinion. Bonaparte rusa donc ; il tenta d’organiser un entretien avec le général ; Moreau le rejeta. Bonaparte espéra qu’un tribunal le condamnerait à mort.
    Quand il ne s’enfermait pas dans un silence méprisant, Pichegru menaçait de faire des révélations tonitruantes, comme la trahison de Bonaparte au moment du traité de Campo-Formio, qu’il réservait, dit-il, pour son procès.
    Cadoudal, lui, donna du fil à retordre aux magistrats instructeurs. Plusieurs d’entre eux avaient un passé trouble, notamment Thuriot, que l’accusé tutoyait en affectant de l’appeler « Tue-Roi ». Il devint populaire au point que tout le monde l’appelait de son prénom, Georges, même Joséphine dans sa correspondance. Mais aussi, elle l’avait connu et même reçu en audience particulière avant les rumeurs de complot. Elle le reconnaîtrait plus tard, on le verra. « Le Beau Georges », comme on l’appelait, était une figure de Paris : bel homme et « grande gueule », ainsi qu’on dit de nos jours, il fascina même Juliette Récamier.
    Chacun de ces trois hommes ou les trois ensemble pouvaient déclencher un feu de brousse dans l’opinion. À Saint-Cloud, on ne dormit que d’un oeil. Inquiétude justifiée : le 7 avril, on découvrit le cadavre de Pichegru sur son lit dans sa cellule du Temple. On a prétendu qu’il s’était pendu ; dans ce cas, il se serait ensuite dépendu pour s’allonger. Il avait été bel et bien étranglé. Par qui ? Nul ne l’a su. L’opinion fut convaincue que, par peur des révélations dont il avait menacé le Premier consul, celui-ci l’avait fait assassiner dans sa cellule. Les péripéties qui entourèrent l’exécution du duc d’Enghien n’avaient guère été moins malodorantes que ce qu’il faut bien appeler l’assassinat d’État du général.
    Le Tout-Paris se disputa les places aux douze audiences où l’on jugerait les autres prévenus, quarante-sept au total : il attendait, non les réquisitoires, mais les plaidoiries. Les débats furent houleux. Cadoudal sema la panique chez les juges et fit rire les spectateurs. Son valet, un Breton nommé Picot, refusa de souscrire aux aveux qu’on lui attribuait : ils lui avaient été arrachés par la torture. On lui avait écrasé les doigts dans un chien de fusil ! Et il leva les mains pour montrer ses doigts brisés. L’assistance indignée poussa des clameurs. Le président Hémard dut suspendre la séance.
    Moreau fut d’abord déclaré innocent. Un ordre venu de Saint-Cloud y mit bon ordre : pas question de laisser l’ennemi repartir libre. Les juges le condamnèrent alors à deux ans de prison. Bonaparte entra dans une noire fureur ; il traita les conseillers d’État Régnier et Real d’« animaux » :
    — Ils me déclaraient qu’il [Moreau] ne pouvait

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