Joséphine, l'obsession de Napoléon
infortunes, et qu’au plaisir d’obliger, Votre Majesté ajoute cette délicatesse aimable qui rend la reconnaissance plus douce et le bienfait plus précieux.
Cette disposition présage que le nom de Joséphine sera le signal de la consolation et de l’espérance ; et comme les vertus de Napoléon serviront toujours d’exemple à ses successeurs pour leur apprendre l’art de gouverner les nations, la mémoire vivante de votre bonté apprendra à leurs augustes compagnes que le soin de sécher des larmes est le moyen le plus sûr de régner sur les coeurs.
Cambacérès la connaissait bien et, mieux encore, il avait appris à la connaître.
Elle se devait donc de contribuer à réaliser le rêve de son époux : elle y affermirait sa propre légitimité. Afin de préparer le terrain auprès du Vatican, elle invita à Saint-Cloud le légat du pape, le cardinal Caprara.
— Toutes les autorités constituées, déclara Napoléon au prélat, me font sentir combien il serait glorieux que mon sacre et mon couronnement fussent faits par les mains du pape, et le bien qu’il en résulterait en même temps pour la religion. Je n’adresse pas, dès à présent, une prière formelle au pape, parce que je ne veux pas m’exposer à un refus. Faites donc l’ouverture et, lorsque vous m’aurez transmis la réponse, je ferai auprès du pape, comme je le dois, les démarches nécessaires.
Talleyrand, dans les jours qui suivirent, rapporta la réaction du Vatican. La requête impériale avait considérablement ému les milieux pontificaux. Aller à Paris ? Folie ! avaient-ils d’abord clamé. Puis la perspective d’associer l’autorité du pape au prestige du nouvel empereur avait nuancé les opinions. La requête de Napoléon n’était-elle pas une soumission implicite à cette autorité ? N’augurait-elle pas également de la restauration du culte dans un pays qu’avait si cruellement déchiré la folie athée ?
À la fin, les autorités vaticanes convinrent qu’il serait dans l’intérêt du Saint-Siège de faire administrer, en effet, le sacrement divin par les mains de son représentant sur la terre. La présence de Pie VII à Paris pour cette auguste tâche marquerait le retour de la France dans le giron de l’Église : ce serait une victoire pour le Saint-Siège.
Mais le pape ne souhaitait pas donner l’impression qu’il se hâtait trop aisément à satisfaire le vainqueur de la campagne d’Italie. Les négociations semblèrent s’enliser.
Joséphine crut bien faire en forçant la main de Caprara, sur la foi des rapports diplomatiques :
— Eh bien, lui déclara-t-elle un soir, nous aurons le Saint-Père à Paris pour sacrer l’Empereur mon mari.
Talleyrand, qui écoutait la conversation, renchérit :
— Oui, oui ! Les choses sont arrangées. Le pape viendra couronner l’Empereur.
Caprara ne pipa mot : ce n’était pas à lui qu’on apprendrait à faire des grimaces. Il savait que l’administration consulaire grouillait d’anticléricaux fanatiques qui, neuf ans plus tôt, avaient dépêché à la mort des prêtres par charrettes entières. Le Vatican avait aussi ses informateurs à Paris, et le pardon ne serait pas concédé aussi facilement que l’espérait le nouvel empereur. Mais enfin, l’intercession du cardinal Joseph Fesch, oncle de Napoléon (il était le demi-frère de Laetitia) et de surcroît archevêque de Lyon et primat des Gaules, se révéla efficace. Toutefois le pape n’accepta l’invitation de Napoléon que le 7 octobre, près de cinq mois plus tard.
Entre-temps, le couple impérial voyagea. Joséphine s’en fut à Plombières et Napoléon à Boulogne inspecter la flotte et distribuer les premières médailles de Légion d’honneur aux plus braves de la Grande Armée. Ils avaient décidé de se retrouver à Aix-la-Chapelle, où il comptait ranimer le souvenir de Charlemagne et où l’occasion serait bonne pour elle de faire une cure. Il lui écrivit des lettres enflammées, la couvrant de baisers, et lui annonça qu’il était en route pour la rejoindre. Elle en versa des larmes de joie. Elle s’avisa plus tard que ce changement de programme n’était pas dû à l’amour conjugal, mais à la présence dans sa suite d’une jolie jeune femme, Élisabeth de Vaudey, une de ses dames d’honneur. Celle-ci ne fit donc pas de vieux os dans la suite impériale : peu après l’arrivée à Aix-la-Chapelle, elle fut mise en demeure de donner sa
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