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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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l’irrégularité. S’étant fait désigner secrétaire de cette assemblée, il s’en fit peu après élire président ; comme tous les ambitieux, il disposait de son réseau de servilités.
    Certes, Barras était toujours là et faisait office de rempart, mais son ascendant sur les autres Directeurs, renouvelés depuis les élections, paraissait moins grand : Emmanuel Sieyès, un abbé défroqué, un de plus avec Talleyrand et Fouché, semblait avoir hérité une bonne partie de ses prérogatives ; affligé d’un physique de chapon avec des yeux de fouine, ancien enragé qui avait jadis proposé de bannir toute la noblesse et de la considérer comme étrangère, le personnage était inquiétant : nul ne savait ce qui mijotait dans sa tête, mais il y fermentait quelque chose. Les autres étaient, sinon des inconnus, du moins des nouveaux venus, Jérôme Gohier, Roger Ducos et un général aux titres de gloire obscurs, Jean Moulin. Le nouveau président de ce deuxième Directoire était Gohier, grand bonhomme pompeux, ancien ministre de la Justice pendant la Terreur, discutable recommandation s’il en était. Par bonheur, il était libidineux et courait les filles du Palais-Royal. Aussi se montrait-il moins dédaigneux que Sieyès à l’égard des invitations à déjeuner ou à dîner rue de la Victoire ; il y accourait même, parfois suivi de sa femme, son ancienne cuisinière. Quand Joséphine était à Paris, il y était tous les après-midi.
    Car l’hôtel Chantereine, comme on l’appelait encore, demeurait l’un des grands centres de la vie mondaine, artistique et intellectuelle de Paris, et c’était, avec l’hôtel de Mme de Staël et la nouvelle maison de Thérésa, l’un des lieux où l’on rencontrait artistes et banquiers, musiciens et philosophes ; mais aussi des hommes au pouvoir, dont Fouché, rappelé de son ambassade en Hollande pour prendre le ministère de l’Intérieur, Talleyrand et même le nouveau ministre de la Guerre, le général Bernadotte, époux de Désirée Clary. Thérésa ne s’appelait plus Tallien, ayant délaissé le politicien, et il se disait que le banquier Ouvrard cultivait ses faveurs. Aussi était-elle l’objet d’une constante surveillance, sa correspondance était ouverte et ses domestiques, à la solde de la police.
    Il faut dire que tout le monde espionnait tout le monde dans le Paris du Directoire.
    Joseph et Lucien Bonaparte étaient souvent invités mais ne venaient évidemment jamais. Lucien tenait désormais salon à Senlis, dans un manoir qui avait appartenu à Saint-Simon et qu’il avait fait luxueusement restaurer. Sa soeur Élisa, qui avait appris les manières élégantes, y servait d’hôtesse et, au dépit secret de Joséphine, non seulement Barras, Fouché et Talleyrand en étaient des habitués, mais encore l’insaisissable Sieyès.
    Bien qu’elle ne fût officiellement pas dotée de conscience politique, cette faculté ne seyant pas aux femmes selon Bonaparte, Joséphine possédait assez de finesse pour percevoir l’anxiété de tous ces gens : ils attendaient le retour de Bonaparte. Il serait leur seul recours contre un cataclysme obscur qu’elle ne parvenait pas à distinguer, mais qui serait un coup d’État des jacobins. Ils lui demandaient fréquemment si elle avait reçu de ses nouvelles.
    La maison de la rue de la Victoire devint le centre d’un monde paradoxal, celui des ci-devant du régime qui s’était instauré depuis la réaction thermidorienne : des héritiers de la Révolution qui ne voulaient ni d’un retour aux Comités de salut public, ni d’une restauration de la royauté.
    Ce fut à cela que Joséphine dut les contributions régulières,
    1 000 francs par jour, prélevées sur les fonds secrets de la police, que Fouché lui versait, en plus des gratifications que Barras continuait de lui accorder. Hippolyte Charles, toujours présent, lui remettait également sa part des bénéfices du marché des armées.
    Sa relative sécurité financière incita Joséphine à acquérir une maison de campagne où, du moins l’espérait-elle, elle échapperait à la surveillance des frères Bonaparte et pourrait jouir plus librement de la compagnie de Charles.
    La fidélité d’un Barras et d’un Fouché, les attentions d’un Talleyrand et maintenant d’un Gohier et de bien d’autres lui avaient imposé l’évidence : son prestige tenait désormais au rayonnement de son mari et disparaîtrait si jamais les

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