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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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vois bien que je vous embête, avec mes histoires.
L'orage de la femme que j'aime, un orage le visage empourpré. Je courbais le dos. Le vent soufflait des fines coquilles de son nez. Des narines elle pleura. Ses bras gesticulaient comme les branches d'un arbre secoué par la tempête. Sa voix grondait comme un tonnerre de Guignol. Puis, un à un, s'éteignirent, jusqu'au dernier, les regards de ses yeux comme de silencieux éclairs de chaleur.
Petites interviews littéraires :
- Oui. Pour me résumer, c'est en talent le dernier des derniers, ce qui ne m'empêche pas d'avoir pour lui beaucoup d'estime et d'affection
1er décembre.
La nouvelle génération est venue, comme une seiche, écarter son encre noire sur le bleu de la mer.
Chez Daudet. Bon sourire, presque expansion Je note des visages. Rosny n'est déjà plus le puissant cerveau de naguère. Les hommes du jour sont Barrès, Schwob, Léon Daudet et moi. Hier encore, Léon Daudet disait : « Renard est le plus parfait artiste que je connaisse. » Daudet ajoute :
- Les comparaisons ne disent rien. Il faut pourtant que je vous compare à La Bruyère. Oui, vous êtes La Bruyère moderne.
    Ah ! le jour où vous recevrez le coup de couteau dans le coeur, vous ferez un beau livre. Barrès est séduisant, mais quel dommage qu'il meure à chaque instant, comme ces poissons qui ouvrent la bouche sur l'eau et suffoquent tandis que leur ventre s'illumine de reflets changeants ! Moi, je n'ai jamais eu le souci de faire de l'art.
Chez Mendès. Le maître en chasuble a tout à fait grand air. Meilleur causeur que Daudet. Pas d'esprit, mais de l'éloquence. Il doit toujours échapper. Parfois, d'un mot bref, point sec, il remet en place les gens et les choses. Frousse aux hommes, fascination sur les femmes. Quelque chose du Juif qui aime ses enfants plus que sa femme ; continuation de l'espèce. Parle de Gautier avec admiration : écrit mal et voit juste, donne le verbe et l'épithète exacts dans une syntaxe souvent maladroite. Il dit de Maupassant qu'il avait un peu la force de Gautier, de Banville : un homme d'esprit qui faisait assez mal un vers facile, de Coppée : un poëte médiocre, en somme, mais de plus de métier, peut-être, que Hugo lui-même. Baudelaire, débarquant de voyage, un jour, couchait chez Mendès et faisait le compte de ce qu'il avait gagné dans sa vie, quelque quinze mille francs.
A ce propos, Mendès dit que l'oeuvre de Gautier rapporte de cinq à six mille francs de rentes à sa veuve ; et il s'extasie, et il admire un tel pays où un homme, mis à l'écart tous ces derniers temps, peut se vendre à ce point et être goûté d'inconnus dans la foule.
    Il trouve que, malgré les apparences, il y a plus de cohésion aujourd'hui qu'autrefois : ce n'était alors que mirage ; on était plus paresseux ; on se faisait connaître plus difficilement et l'on gagnait moins d'argent.
- Pour moi, dit-il, je ne me pardonnerais pas d'empêcher un jeune d'arriver, Ah ! les jeunes ! Des symbolistes qui font du reportage. Moréas, un du Bartas sans talent, Henri de Régnier, un homme de valeur, et c'est tout. Saint-Pol-Roux, rien, Pierre Quillard, un gentil garçon, pas plus...
Il se lève et va travailler, c'est-à-dire récrire les épreuves que L'Écho de Paris lui envoie. Il quitte sa belle chasuble et écrit en chemise, tout déculotté, avec une lampe et deux bougies...
Fantaisie : un homme mourant qui ne s'occupe que de... la fin du monde.
2 décembre.
- Hier à l'Odéon.
Marivaux et ses phrases pures comme du cristal, et ses jolis drames d'amour qui sont comme des torrents emprisonnés. Coppée reniflant çà et là sa gloire en disant : « Croyez-moi qu'ils m'ont mis au foyer un Passant tout nu ! »
3 décembre.
- Pour Forain. La femme dans son lit tourne la tête. L'homme s'habille.
- Mais ces bretelles-là ne sont pas à moi !
    4 décembre.
Des mots qui sont comme les boutons de chaleur de l'esprit.
Qu'on lui dise ce qui manque à
Son déjeuner, quand Poil de ca-
-rotte, après l'oeuf à la coque, a
Un verre de vin de Coca !
Si je quitte Tristan Bernard, je me dis :
« Il faut faire des ballades pour Le Figaro, de l'esprit, gagner de l'argent, etc. » Si je vous quitte, Schwob, j'ai envie de rentrer en moi comme dans un trou. Mon esprit malléable se façonne à tous les pouces.
- Ne craignez rien. A peine avons-nous le dos tourné que vous vous délivrez de Bernard et de moi, et que, même, vous nous donnez à chacun un coup de pied.
- Selon Gourmont,

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