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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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faire éclore des mouches qui me sucent la chair.
1er juillet.
Quand j'ouvre ma fenêtre, le matin, C'est comme si mon amie me lavait les yeux à l'eau fraîche.
De petits nuages blancs montent de la terre comme si on lui tondait la laine sur le dos.
Les coqs, à la voix gamine ou grave, jettent des commandements comme de jeunes ou de vieux chefs peaux-rouges.
Bon ! Un train lointain.
Et la voix d'une tourterelle, c'est comme si la ménagère râpait dans une casserole, avec une cuiller de bois, un reste de crème brûlée, ou, plutôt comme si tu ne faisais que rentrer et sortir pour essayer les gonds d'une porte.
Et voilà une poule qui chante comme si elle finissait de marteler sur l'enclume, à coups brefs, son oeuf pondu.
Et voilà une mouche bourdonnante qui passe, comme le son court sur un fil de fer.
Et les trois coups lents d'une cloche, suivis de trois coups lents, suivis d'un carillon vif et léger.
Et la voix des canards, c'est comme des cailloux qui rebondissent, l'hiver, sur la glace des canaux.
    Mais les hommes n'ont pas encore dit un mot.
Le premier qu'ils disent, c'est : « Ferme la fenêtre, et recouche-toi ! »
Des abeilles se sont posées sur mes lèvres et y meurent, prises à la glu.
2 juillet.
Il aime la nature, mais il ne connaît, de verdure, que le vert de ses stores.
La nuit, nous avons bien plus peur que les enfants.
3 Juillet.
Ah ! la bonne femme que j'ai perdue ! De son temps, je pêchais au bord de la rivière, tout le long ; et, quand je voulais passer sur l'autre bord, je n'attendais pas un pont. J'entrais gaillardement dans l'eau avec mes souliers, mes chaussettes, tenant ma ligne haute.
Je ne relevais même pas mon pantalon. Je me mouillais avec joie jusqu'au ventre.
Si, de ton temps, je t'avais cru pas plus de raison qu'un gamin, ne me gronderais-tu pas ? Ne te fâcherais-tu pas ?
Or, de son temps, la bonne femme que j'ai perdue ne me disait rien ; et, même, je la voyais qui souriait en détournant la tête.
Et, même, si mon pied venait à glisser, je m'asseyais un peu sur les cailloux.
Le chien concasse sa voix de sabot. Des ciseaux de son bec, le corbeau déchire la solide toile de l'air.
    Pour arriver, il faut mettre de l'eau dans son vin, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de vin.
Pour peu qu'on tâche de se perfectionner, on voit les autres rapetisser, comme s'ils s'enfonçaient dans le sable.
Moi, dictant une lettre : « Mets donc des points, voyons ! »
Marinette : « Mais oui, tiens ! J'en ai déjà mis un là-haut. »
Son idéal, dit Ernest Hello de la Fontaine, c'est le renard. Mon idéal à moi, c'est La Fontaine.
Médiocre en tout, excepté en génie.
4 juillet.
Il gardait ce calme qui convient à une grande nation.
Il lui conseillait de lire chaque jour les faits divers pour se rendre compte de son bonheur.
Lisez-moi donc quelque chose de court qui ne me fasse pas manquer le train.
A chaque instant son âme craquait. Elle ne lui allait pas comme un gant.
6 juillet.
- Dieu, que j'ai chaud !
- Et moi, donc !
- Mais vous me parlez toujours de vous. Vous, qu'est-ce que ça me fait ?
Un perroquet, dit Veber, c'est un oiseau peint par une main d'enfant.
7 juillet.
Il montra le plafond blanc de ses yeux tournés.
    Que la main qui écrit ignore toujours l'oeil qui lit !
8 juillet.
Je dis à Baïe :
- On va montrer ton bobo au pharmacien.
- Il ne va pas pleurer ? dit-elle.
9 juillet.
Pour elle, des bottines fraîchement cirées, c'est des bottines neuves.
Le meilleur interviewer est celui qui dit que j'ai un oeil d'aigle et une crinière de lion.
10 juillet.
Quand elle comprit qu'elle ne verrait jamais Dieu, elle se mit à pleurer comme si elle avait perdu quelqu'un.
Elle disait : « Quoi ? Qu'y a-t-il ? Vous voulez coucher avec moi ? Faites ! Depuis que j'ai vu mourir mon pauvre frère, je ne refuse rien à personne. »
Vos illuminations ? Mais, simplement en me frottant les yeux, j'en fais de bien plus belles !
J'écrirai un livre qui étonnera mes amis. Je ne me croirai pas supérieur aux autres, comme Goncourt. Je ne dirai pas de mal de moi pour qu'on m'excuse, comme Rousseau. Je tâcherai seulement de voir clair, de faire en moi la lumière pour les autres et pour moi. J'ai trente ans. Comment ai-je vécu jusqu'ici ? Et maintenant, que ferai-je ? Me laisserai-je aller ?
    Chercherai-je à me rendre utile ?
Je crois que, une fois qu'on m'a bien vu, l'on ne m'oublie plus. Je suis d'une vanité qui me stupéfie, quand je la considère, l'attaque passée. Si Paris m'offrait de me

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