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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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mordait toutes les autres. Elle bondissait, les bousculant, les tuant. Elle s'agitait comme une sorcière trapue et grondante. Elle me faisait un peu peur.
D'Esparbès :
Mon vieux, quand je serai décoré, j'achèterai une croix, une vraie croix de soldat qui revient de la guerre avec la tête fendue, tombe à genoux quand on le décore, et dit : « Maintenant, je peux mourir ! » J'inviterai quelques amis et mon père. Je mettrai ma croix, sur la table, dans sa serviette, et il me regardera comme un colonel. Ce qu'il m'admire ! C'est même gênant, dans les cafés : il raconte tout aux garçons.
Je vais m'en aller de Verneuil parce qu'on va bâtir. Je ne veux pas de maison à côté de moi. Je veux être libre.
Oui, mon vieux ! Je connais un homme qui fait maigre tous les ans, à l'anniversaire de la mort de Victor Hugo.
Je touche 175 francs par conte au Journal. Ça vaut ça, quand je pense qu'Hervieu en touche 250.
Mon père a été conducteur d'omnibus, et on dit que je ne connais pas le peuple !
Étouffer son idéal avec une brioche.
22 novembre.
- Comme vous êtes jolie !
- Oui, il y a des hommes qui aiment ça.
    25 novembre.
- Je viens vous demander à déjeuner sans façons.
- C'est précisément ce que je vous reproche.
Elle ouvre son parapluie : rideau.
L'homme vraiment libre est celui qui sait refuser une invitation à dîner, sans donner de prétexte.
La lune, fond de tonneau vineux.
La chèvre. Elle saute à la corde avec ses cornes.
26 novembre.
Répétition du Fils de l'Arétin. J'ai vu pour la première fois, ce soir, le petit père Bornier. Tout petit et tout blanc. Après l'avoir vu, je comprends sa pièce. C'est bien ça.
Paul Hervieu, là-bas, au n° 1 des fauteuils de balcon. Il a l'air assis dans une baignoire d'enfant. De près, il est ratatiné par le succès. Son front et son menton se sont rapprochés. On dirait un gibus ni tout à fait baissé, ni tout à fait levé. Il m'appelle : « Mon vieux Renard... Mon petit Renard. » C'est encore lui qui dédaigne le plus la pièce de Bornier, à cause des Tenailles.
Jean Lorrain va perdre l'oeil gauche. Il aimerait mieux voir les Histoires naturelles que Le Fils de l'Arétin. C'est gentil de sa part, mais il postillonne trop.
Mendès nous raconte que le petit Bornier avait une maîtresse qu'il payait 170 francs par mois.
    C'était une géante. Elle habitait rue Coquillère.
Léopold Lacour me demande mes livres et se vante d'avoir fait passer l'article de Souza au Gil Blas.
Il dit à l'écho : Répète voir un peu !
27 novembre.
Intéresse ! Intéresse ! Aucun prétexte d'art n'excuse d'embêter les gens.
Je ne suis pas encore couché et, derrière leurs rideaux, je vois déjà des gens qui se peignent.
La littérature, drôle de métier : moins on en fait et mieux il faut faire.
28 novembre.
De Chevillard :
- Docteur, voulez-vous me dire pourquoi je boite depuis dix minutes ?
- Mais, mon ami, parce que depuis dix minutes vous marchez une jambe sur la chaussée et l'autre sur le trottoir.
- Je viens d'écrire que vous êtes un artiste japonais.
- Merci. J'accepte. C'est exact, et ça vexera les Chinois.
Donnay a été dessinateur chez les Duclos. Quand il a lâché le dessin, sa famille était désolée. Il s'est même brouillé avec elle. Aujourd'hui, il lui donne des billets de théâtre.
29 novembre.
Lis toutes les biographies des grands morts, et tu aimeras la vie.
    30 novembre.
Ramener les images au bercail où on les examine, où on les compte, où l'on sépare les saines des galeuses.
2 décembre.
La modestie va bien aux grands hommes. C'est de n'être rien et d'être quand même modeste qui est difficile.
La loutre : ses joues de cuir bouilli.
Que j'échappe à cette maladie, en serai-je plus immortel ?
Qu'importe le bonheur quand on n'a point la joie !
Le trousseau des clefs de son coeur.
Une bouche si belle que, vraiment, on ne saurait dire qu'elle a une lèvre inférieure.
Je ne suis pas encore à l'âge où l'on en voit monter de plus jeunes que soi.
6 décembre.
Enterrement du père de Courteline. Les yeux de Courteline étaient pleins de larmes. La douleur d'un homme intelligent fait plus mal à voir que celle d'un imbécile.
Un enterrement serait trop triste s'il n'y avait pas les prêtres.
- Quand je pense, mon pauvre Allais, que tu mourras avant moi !
- Tu es sûr ?
- Autant qu'on peut l'être.
- Et tu me survivras de combien ?
- Qu'importe, dis-je, puisque tu ne le sauras pas !
    - Tu es gai. Combien d'années ai-je encore à vivre

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