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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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votre ami, la brouille est proche. Je le sens bien, moi qui use mes amis par douzaines.
Une goutte d'âme dans un oiseau.
13 décembre.
La fréquente petite lâcheté de se mettre avec les autres contre un ami.
    J'avais beau dire à la négresse : « Ote donc ta chemise » : elle restait noire.
La jambe comme un jeune arbre dont le tronc est en haut.
Si vous connaissez la vie, donnez-moi son adresse.
16 décembre.
Franz M. Melchers. - Chez Le Barc de Boutteville avec Moreau. Des peinturlures d'enfant. Des maisons couvertes en tuiles rouges bien divisées. Des pommiers verts et ronds comme des prunes, ou comme des bonnets à poil de l'Empire. Des petits nuages qui semblent monter d'une cigarette. Des sabots qui, selon le mot de Maeterlinck, patientent à la porte. Des bonshommes épais comme des feuilles de papier et collés à des murs de briques toujours bien divisés. Je vois mes petits contes illustrés par ce peintre précis, minutieux, et quelquefois au bord du mystère.
Et tu t'imagines que, si tu n'ajoutes pas aujourd'hui vingt-cinq nouvelles lignes à ton oeuvre, te voilà oublié, perdu.
J'ai mis trop de ma vie dans mes livres. Je ne suis qu'un os rongé.
18 décembre.
Léon Bailby, le secrétaire de Jules Jaluzot, vient me voir. Vingt-huit ans, très fin, l'air honnête. Avoue ne pas connaître encore Jaluzot. Excuse son cynisme par la platitude de ses électeurs. Quand je pense que j'ai adressé, un jour, à M. Jaluzot, Coquecigrue, comme un beau produit de son département !
    Je voudrais être à la place de ce secrétaire. Il voit tout. Il assiste à des baptêmes de cloches. Il prie des mendiants. Il prend part aux discussions de la Chambre. Je m'imagine que, rien qu'en étant simple, ferme et honnête, je roulerais tous ces hommes malins qui se croient très forts. Ça les embêterait joliment. Ça les dérouterait. Leur manie, c'est de toujours croire le contraire de ce qu'on dit.
19 décembre.
Et toujours l'irresponsabilité nous incombe.
Il me parle de ses projets, d'une pièce pour le Théâtre-Français accommodée au cynisme de la maison, et, tandis qu'il me parle, je regarde sa peau sèche, ses yeux creux, ses narines minces et les nerfs de son cou, et il me semble que l'araignée de la mort pose déjà ses fils.
La lettre qu'on n'a jamais reçue, d'où dépendait peut-être le bonheur de toute notre vie.
Oh ! le temps passe si vite !
- Excepté quand on a une pièce reçue à la Comédie-Française.
Prends garde à cette phrase que tu vas écrire : des yeux de l'autre monde peut-être la liront. Il ne faut pas qu'elle y laisse un nuage trouble.
Ces gens qui ne se rappellent à notre souvenir que par des lettres de deuil.
Disant que son éditeur lui payait 50 000 francs ses Mémoires et lui donnait 1 franc par exemplaire pour un premier tirage de 100 000, Rochefort avait l'air étonné.
    Comme il parlait, chez Mme Jeanne Hugo, de faire avancer Dennery dans la Légion d'honneur, Mendès prit la parole et protesta avec indignation. Rochefort était interloqué. Tous deux, dit plus tard Mendès à un certain Vincent, nous avons été brillants. N'est-ce pas Vincent ?
26 décembre.
Rostand fait des haltères avec sa tristesse.
Papa Coppée laisse tout de même très bien jouer ses Jacobites en Allemagne par Mlle Segond-Weber.,
Maurice Talmeyr : Entre mufles. De ma vie je n'ai assisté à pareil insuccès. C'est indiscutable. Quelques rares applaudissements à la fin des quatre premiers actes. A la fin du cinquième, pas un. Je dis à Mendès :
- Nous sommes loin d'une chose parfaite.
Il pousse des soupirs, mais Talmeyr (Talmeyr, talfille) est de ses amis, et il n'aura pas le courage de taper sur les « ironistes féroces » dont il me croit.
Descaves veut me persuader qu'il me faut cinquante Histoires naturelles pour faire un volume. Ce n'est pas seulement son avis : c'est celui de copains, etc. Lautrec me propose d'en illustrer une huitaine et d'en vendre cent exemplaires à 25 francs chacun. Nous partagerons les bénéfices.
Il aime bien les bars, à cause, sans doute, des tabourets où il peut se percher, il est presque aussi grand que nous.
    - Comment trouvez-vous la fin du 3e acte ? dit Marcel L'Heureux.
- Pas du tout réussie.
- Moi, elle me plaît. C'est peut-être que je suis gâteux.
Personne ne proteste.
Quand une actrice n'est pas ridicule à fouetter, on dit qu'elle a du talent.
Des Gachons me demande quelque chose pour le Théâtre minuscule.
- Ça vous irait bien, me dit Rostand.
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