Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
Vom Netzwerk:
terreur, je me suis mis à courir, à courir ! Mais il ne m'avait pas vu. Il marchait voûté, comme sous le poids de L'Écornifleur.
- J'ai soif de vérité.
- Prends garde à l'ivrognerie.
Vous êtes si gracieuse que je ne peux pas vous voir couchée, comme les autres femmes, dans un lit : je m'imagine que vous dormez sur une branche.
Le kangourou géant. Il s'est cassé les jambes pour pouvoir marcher à quatre pattes, mais les bras sont encore trop courts.
9 janvier.
L'enterrement de Verlaine. Comme disait cet académicien, les enterrements m'excitent. Cela me redonne une vitalité. Lepelletier avait des larmes plein la bouche. Il s'est écrié que la femme avait perdu Verlaine : c'est au moins de l'ingratitude pour Verlaine. Moréas a dit : Certes !
Barrès a bien la voix qu'il faut quand on parle sur une tombe, avec des sonorités de caveaux et de corbeau. Il a, en effet, admirablement parlé des jeunes, bien que Beaubourg prétende qu'il ait un peu tiré à lui la couverture, car c'est plutôt Anatole France qui a fait Verlaine.
    Avant de parler, il avait passé son chapeau à Montesquiou. J'ai eu un moment l'envie d'applaudir avec ma canne sur la tombe, mais si le mort s'était réveillé ?
Mendès a parlé d'escalier aux marches de marbre léger qu'on monte au milieu de lauriers-roses vers des cierges qui rayonnent. C'était très joli, et ça pouvait s'appliquer à tout le monde.
Coppée a été applaudi au début. On s'est refroidi quand il a retenu sa place près de Verlaine dans le Paradis. Permettez, permettez !
Mallarmé. Il faudra relire son discours. Lepelletier a fait une profession de fois matérialiste, bien qu'il n'y eût pas d'électeurs. La grande qualité de Barrès, c'est le tact. Il réussirait à bien dire, même la bouche pleine.
Donnay se présente à moi : c'est le premier service que Verlaine m'ait rendu.
Verlaine allait faire des conférences en Hollande. On lui avait retenu la plus belle chambre. Il fit monter le gérant :
- Je veux une autre chambre.
- Maître c'est notre plus belle.
- Précisément ! Je dis bien : j'en veux une autre.
Il avait apporté une valise, qui ne contenait qu'un dictionnaire.
Vicaire avait l'air de prendre la succession de Verlaine sur sa tombe même.
    Il était déjà bien saoul, et Spont dut le hisser dans un fiacre.
Au restaurant, on plaisante : on retient la table et on commande le repas pour l'enterrement de Coppée.
C'est Mauclair qui vient encore de faire un article sans s'en douter. Je suis fier de déjeuner avec des journalistes. Il y a avec nous, au bout de la table, deux jeunes gens assez jeunes pour nous traiter bientôt de vieilles brutes.
Stuart Merrill se présente. Il est gras et gentil comme un abbé. Rachilde dit à de Souza :
- C'est vous, l'e muet qui faites tant de bruit !
Il y a un perroquet qui nous tourne le dos et qui ne cesse de dire « caca, caca ». Schwob a sa tête d'enterrement, une tête lugubre, oeil creux, moustache qui pleure, cheveu brouillé.
D'autres disent qu'il y avait un caca au milieu de la chambre de Verlaine.
Barrès se rajeunit des morts, dit Schwob.
16 janvier.
Capus. Toujours fatigué, endormi. Il a été vendu dernièrement. Il vit dans un logement mal meublé. Des tables en bois blanc recouvertes d'une étoffe de quatre sous, et qui remuent.
Il a promu son groom au grade de chef de cuisine et « acheté » une jolie petite bonne qui a bien peur de tout ce monde-là.
    18 janvier.
Son derrière allait de droite à gauche comme un fiacre pris dans des rails.
Le sourire arc-en-ciel des larmes.
La rougeur, l'aurore des larmes qui vont tomber.
Mendès dans ses chroniques théâtrales : on dirait qu'il met un casque.
J'ai connu un oiseau qui tombait par terre chaque fois qu'il voulait s'endormir sur une branche.
Ce que les bêtes provoquent surtout en moi, c'est l'étonnement, comme toute chose d'ailleurs.
Réponse à une injure sanglante :
- Oh ! vous dites ça pour me taquiner.
Comme on serait meilleur, sans la crainte d'être dupe !
Rostand, je l'aime, et je suis content de le faire aimer aux autres, à Bernard, à Boulenger. C'est mon prince lointain, et un petit frère dont la face douloureuse me fait mal. J'ai toujours peur d'apprendre sa mort, et il va me glisser dans les bras. Il est délicat et gentil, il n'est pas méchant. Il est peut-être très malheureux. Il évite les figures qu'il ne connaît pas, et il est content de savoir qu'on l'aime... Oui, il est peut-être, dans son luxe, avec sa jolie femme,

Weitere Kostenlose Bücher