Journal Extime
fils.
Crânes ronds et crânes longs.
Ainsi donc le clivage gauche-droite serait désormais obsolète et nous serions priés de renoncer à cette clef pourtant si commode pour s’y retrouver dans la faune politique. Diable ! Mais on ne supprime vraiment que ce qu’on remplace, et il faudra bien trouver une autre grille de déchiffrement binaire.
Je me suis souvenu face à cette urgence de mes années de jeunesse passées au musée de l’Homme sous la férule de Claude Lévi-Strauss et André Leroi-Gourhan. Au laboratoire d’anthropologie nous apprenions par exemple à dater et chiffrer les crânes. Savez-vous comment on distingue un crâne historique d’un crâne préhistorique ? En collant sa langue dessus. Le crâne préhistorique ayant perdu son périoste est poreux et adhère fortement à la langue. Pas le crâne historique…
Mais l’abc de l’anthropologie, c’est l ’indice céphalique horizontal qui permet de distinguer les crânes ronds (brachycéphales) et les crânes longs (dolichocéphales). Cet indice s’obtient en multipliant le diamètre transversal par cent et en le divisant par le diamètre antèro-postérieur. Un indice de cent correspondrait à une tête parfaitement ronde, ce qui n’existe pas, sauf dans des cas extrêmes d’hydrocéphalie. Les crânes les plus ronds avoisinent quatre-vingt-dix, les plus longs soixante-dix.
Dès lors, armés de nos compas d’épaisseur, nous coursions dans les salles et les couloirs du musée les gardiens et les femmes de ménage pour leur « prendre » leur indice. Nous devions bientôt acquérir un coup d’œil presque infaillible qui nous dispensait de toute mesure, si ce n’est pour vérifier notre diagnostic.
L’incidence esthétique de l’indice est claire. Les dolichocéphales sont voués à la coiffure « la raie-au-milieu ». Tels sont la plupart des Christ, la Vierge-au-long-cou et son enfant-Jésus de Parmesan, les demoiselles préraphaélites de Rossetti, et plus près de la réalité, Paul Valéry, Alain, Alfred Cortot, etc. Les têtes rondes sont bonnes pour la coupe-au-bol et s’illustrent par Socrate, le Saint Pierre de Dürer, Verlaine et quelques autres.
Mais c’est sous l’angle psychologique que la distinction importe surtout. Le dolichocéphale se signale par son dynamisme, sa combativité et sa versatilité. Le brachycéphale par son calme, sa sagesse et sa stabilité…
Dès lors les péripéties de notre politique deviennent limpides. Côté dolichocéphales, Chirac, Lang, Juppé, Giscard d’Estaing. Côté brachycéphales, Jospin, Toubon, Balladur, Seguin. Chaque fois qu’un nouveau gouvernement se forme, il serait intéressant de faire passer ses membres au compas d’épaisseur. Comme l’a écrit F.J. Gall, le créateur de la phrénologie, « le cerveau est un continent immense dont la boîte crânienne est la carte géographique. »
Pierrot et Arlequin de mon conte Pierrot ou les Secrets de la nuit. Vu sous l’angle vestimentaire, Pierrot-le-mitron travaillant au fournil est nu sous son ample vêtement blanc. Sa chair est immédiatement donnée. Au contraire Arlequin, l’homme-oignon, s’apparente au clown qu’on cherche à déshabiller sans y parvenir, car sous chaque collant en apparaît un autre. Je songe à ce propos à ce type de pauvre que j’ai rencontré en Afrique qui ne sort qu’avec tous ses vêtements sur lui, de telle sorte qu’un déshabillage – pour se baigner par exemple – devient une opération interminable. À Arlequin composé d’une accumulation d’ accidents s’oppose le substantiel Pierrot.
Dans Le Général Dourakine de la comtesse de Ségur, nous apprenons qu’un personnage important voyageant à travers la Russie d’alors plaçait à côté du premier cocher un « feltyègre ». Il s’agissait d’un policier chargé de faire lever les barrages et contrôles policiers et d’obliger les aubergistes à recevoir les voyageurs. Cela me rappelle furieusement la RDA où j’ai toujours voyagé accompagné d’un fonctionnaire de cette sorte. Il devait en être ainsi en Urss où c’était un héritage de l’ancienne Russie.
Stendhal : Idéaliser, comme Raphaël idéalise dans un portrait pour le rendre plus ressemblant.
De sa petite fille, cet ami allemand me dit : « Elle ressemble à son père comme un crachat. »
La Mer de Debussy. C’était l’été 1939 à Villers. J’avais quatorze ans. Je disposais d’un petit
Weitere Kostenlose Bücher