Journal Extime
m’inquiète. Quand je me compare, je me rassure.
Berlin. La fenêtre de ma chambre donne bizarrement sur une série de wagons-cages stationnés dans la rue où se balancent sinistrement des ours blancs. Je crois me souvenir d’avoir vu dans des asiles pour enfants handicapés (que je visitais pour les Météores ) certains autistes se balancer ainsi interminablement. Puisque nous sommes à Berlin, je songe à notre ami, le cinéaste René Crétin qui travaillait pour la Ufa. Ayant à tourner des scènes au pôle Nord, il avait vainement cherché des ours blancs dans les icebergs. En désespoir de cause, sa régie avait loué les ours blancs du Tiergarten de Berlin et les avait transportés par avion sur les lieux de tournage. Le malheur, c’est que ces bêtes nullement habituées au froid polaire avaient pris mal. On craignit pour leur vie. Il avait fallu faire venir un vétérinaire et une cargaison de couvertures. Les ours y restaient emmaillotés, et on ne les en sortait que lors des tournages.
Visite à Mullrose, haut lieu du tir à l’arc. Au moment de décocher, dans l’extrême acuité de la tension, le visage de l’archer se met à ressembler à une flèche. La main est placée sous le menton. La corde de l’arc touche le bout du nez et appuie sur le menton. Certains protègent leur menton avec un sparadrap.
Rencontre avec Renate Stecher championne des cent et deux cents mètres. Trente-six ans, deux filles, un fils en route. Elle me dit qu’aucune femme au monde n’a pu encore courir le cent mètres en moins de dix secondes. Et le deux cents mètres ? J’émets l’idée que les deuxièmes cent mètres bénéficiant de l’élan des premiers cent mètres se courent plus rapidement et aboutissent à un total meilleur que le cent mètres. Elle me détrompe. Dès le cent cinquantième mètre, la fatigue se fait sentir et la vitesse diminue. Elle me dit aussi : pour le deux cent mètres, il y a forcément un tournant et donc un échelonnement des points de départ de coureurs. Or le coureur de la piste intérieure a l’avantage appréciable de voir ses concurrents et d’être entraîné par eux.
L’âge des coureurs. Les sprinteurs sont normalement plus jeunes que les coureurs de fond, mais cela ne veut pas dire qu’un sprinteur devienne coureur de fond en prenant de l’âge.
Mitterrand à Choisel. Une fois de plus il m’interroge sur la DDR dont je reviens justement. Je lui raconte un « Witz » qui court les rues et les salons. Erich Honecker veut enfin savoir ce que les Allemands de l’Est pensent de lui. Il se déguise et va dans une brasserie. Il aborde un solitaire et boit un verre avec lui. Finalement il lui demande : « Dis-moi, camarade, Honecker, qu’est-ce que tu en penses ? » L’homme jette un regard apeuré autour de lui. « Tu veux savoir ce que je pense d’Erich Honecker ? – Oui – Alors viens avec moi. » Ils sortent ensemble. L’inconnu lui fait prendre la S-Bahn jusqu’au Wannsee. Là il loue une barque, rame jusqu’au milieu du lac et se penchant à l’oreille d’Honecker lui dit : « Tu veux savoir ce que je pense d’Erich Honecker ? – Oui – Je ne le trouve pas si mal que ça ! »
F Mitterrand rit à cette histoire, comme je ne l’ai jamais vu rire. Le soir, Éric Orsenna qui était présent ici me téléphone : « Vous savez votre histoire d’Honecker ? Le président l’adore, et il la raconte partout. Et comme ses derniers sondages d’opinion lui sont très défavorables, il ajoute en commentaire : “Ce qui prouve bien que les sondages d’opinion ne signifient rien !” »
La maison hantée (projet de conte). Il était une fois un riche marchand qui désirait se fixer à Ispahan. Il visite plusieurs maisons à vendre dans la ville. L’une d’elles éclipse toutes les autres par sa situation, ses proportions, sa disposition intérieure. Quelle n’est pas la surprise du marchand quand il apprend qu’elle coûte considérablement moins cher que les autres, très inférieures à tout point de vue. Comme il s’en étonne, l’intendant immobilier qui le guide lui explique que cette maison est hantée et que les trois autres propriétaires qui l’ont eue se sont retirés.
Voulant en avoir le cœur net, notre homme va les voir et écoute leur témoignage. 1. Récit du premier propriétaire qui est à l’origine de la malédiction. 2. Récit du deuxième propriétaire. 3. Récit du troisième
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