Journal Extime

propriétaire.
    Le marchand décide cependant d’acheter la maison, et il s’y installe. Il parvient à élucider son mystère et à mettre fin ainsi à la malédiction. Le tout mêle étroitement la vie passée et présente des quatre propriétaires et s’achève comme une cure psychanalytique. Il faut en somme traiter la maison hantée comme l’inconscient malade et objectivé des propriétaires successifs. Pour guérir la névrose, les trois premiers n’ont pu que déménager. Le quatrième a trouvé la clef du cabinet noir.
     
    Bref voyage à Athènes pour une conférence. Une jeune journaliste m’accueille dans un studio de télévision. Elle ne sait vraiment pas quoi me dire. Comme le studio est tapissé de photos de dieux grecs, elle me demande finalement auquel je souhaite le plus m’identifier. Pris de court, je réponds au hasard : « Oh moi, vous savez, c’est le Manneken Piss de Bruxelles qui m’inspire le plus ! » Affolement au studio. On cherche fiévreusement un dictionnaire. On parvient enfin à exhiber une photo du Petit-homme-qui-pisse. Grâce à moi, les Athéniens connaissent maintenant le plus vieux citoyen de Bruxelles.
     
    Dîner à Auffargis chez mon frère Jean-Loup. Au retour la traversée de la forêt de Rambouillet s’escorte d’un bestiaire grouillant. Des milliers de grenouilles traversant la route s’écrasent sous mes pneus. Des petits lapins aux yeux luminescents giclent dans les phares. Un gros hérisson disparaît en haut du talus. Une chouette agite ses ailes de coton devant mon pare-brise.
     
    L’homme hystérique. L’association est en principe contradictoire. En effet hystérique vient du grec hustera, utérus, et ne s’applique étymologiquement qu’à la femme. Le docteur Charcot s’était fait un nom en exhibant à la Salpêtrière des femmes qui extériorisaient leurs troubles mentaux et physiologiques par des crises éminemment spectaculaires. La présence d’un public nombreux et mondain y était à coup sûr pour quelque chose. La « crise d’hystérie » relevait d’une théâtralisation comportant des numéros classiques comme la position sur le dos en arc de cercle, le corps ne reposant plus que sur le crâne et les talons, les convulsions accompagnées de cris aigus, etc.
    Il est bien remarquable que cette pathologie après avoir connu une floraison a considérablement régressé depuis un siècle. La société de l’époque y est certainement pour quelque chose. On peut se demander même si le trouble hystérique ne s’est pas transporté d’un sexe à l’autre. Vivons-nous à l’âge de l’homme hystérique ?
    Le respect de l’étymologie permet la définition suivante de l’hystérie : c’est le sexe qui monte à la tête. L’hystérique ne pense ni n’agit plus avec son cerveau, mais avec son sexe. On constate aussitôt que l’homme avec sa fière « virilité » est la victime d’une hystérie incomparablement plus ancienne et surtout plus dangereuse que celle de la femme. Que l’on songe à toutes les guerres qui ont été déclenchées par des chefs politiques ivres d’orgueil viril.
    C’est plus évident encore à l’échelle individuelle. Le « point d’honneur » est à l’origine de duels innombrables qui ont décimé l’aristocratie pendant des siècles. Il est consternant que Le Cid de Corneille soit la pièce classique la plus lue et commentée dans les écoles. Il s’agit là de l’apologie du crime le plus stupide qui se puisse concevoir. « Viens, tu fais ton devoir et le fils dégénère qui survit un moment à l’honneur de son père. » Nous allons donc nous entretuer pour rien, pour la beauté du geste et de la parole. Or il est bien remarquable que seuls les hommes se battent en duel. Les femmes apparemment n’ont pas de « point d’honneur ».
    Certes on ne se bat plus en duel. Mais c’est sans doute que le machisme meurtrier a trouvé mieux. Il s’est épanoui dans l’automobile. Il suffit de rouler quelques heures sur les belles routes de France. On se trouve plongé dans une société dont la folie agressive donne des suées d’angoisse et d’indignation. On constate que nombre d’hommes en temps ordinaire censés et pondérés deviennent des brutes imbéciles dès lors qu’ils ont un volant entre les mains et un accélérateur sous le pied. On connaît le beau résultat : plus de huit mille morts et trois cent mille blessés chaque année en France. Or les femmes sont