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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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défendre Craig dont le mandat de gouverneur au Canada avait été tant critiqué. On lui reprochait surtout de s’être mis à dos la population. Ryland excusait son ancien patron, pointant du doigt le clergé des Canadiens: French and roman catholics ! Des papistes! À ses yeux, c’étaient les mêmes qui avaient assis sur le trône de France le petit Corse, ce Napoléon qui avait eu l’outrecuidance de se couronner lui-même devant le pape. Tous ces morts, tout ce sang répandu en Europe, c’était par la faute de cet ogre insatiable. Et ce carnage allait se transporter en Amérique du Nord.
    Ã€ peine débarqué, Ryland, un homme d’âge moyen habillé à la dernière mode de Londres – haut de forme et longue veste dont les basques frôlaient les talons – s’était informé auprès de nombreuses personnes de sa connaissance, à savoir si le major de Salaberry était à Québec. On l’informa que ce dernier était reparti pour Chambly avec sa jeune épouse.
    L’envoyé du duc de Kent aurait consenti à se déplacer jusqu’à Beauport pour accomplir sa mission. Mais se rendre jusque dans l’arrière-pays, il n’en était pas question. Il confia les lettres du duc au premier venu, sans s’assurer qu’elles parviendraient sans faute à leur destinataire.
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Chapitre 21
Branle-bas à Chambly
    L’annonce de la déclaration de guerre, qu’on put enfin lire dans la Gazette de Montréal du 29 juin, jeta la terreur dans les esprits. D’un trait de plume, un président américain détenait le pouvoir de semer le trouble aussi loin que dans la tranquille paroisse de Chambly.
    â€” Te rends-tu compte, Joseph, que ce monsieur Madison, dans les États-Unis, nous a déclaré la guerre le 18 juin, et qu’il nous a fallu plus de dix jours pour l’apprendre!
    Madame Bresse noua le ruban de son chapeau, prête à se rendre à l’église – où le curé Bédard prévoyait chanter une grand-messe –, pour se joindre aux autres paroissiens gagnés par la panique.
    â€” Ma Fanchette, on ne peut même pas considérer cela comme une nouvelle! Depuis un mois, Chambly se remplit de soldats! Impossible d’aller nulle part au village sans croiser un voltigeur ou un milicien.
    â€” Ne me parle pas de ces gens qui nous dérangent à toute heure du jour ou de la nuit. Je ne comprends pas que tu puisses ainsi conserver ton calme.
    Françoise soupira. C’en était fait de la vie d’autrefois. Au va-et-vient continuel de charrettes, de cavaliers et de troupes sur le chemin du Roi, c’est-à-dire juste sous ses fenêtres, s’ajoutaient les bruits des marteaux des ouvriers, les cris des mariniers déchargeant marchandises et provisions destinées à nourrir les troupes – et il fallait voir le nombre considérable d’embarcations sur le bassin: barques, canots, goélettes et sloops; les abords des quais n’avaient jamais été aussi achalandés. Chambly grouillait de monde comme des abeilles de monsieur Boileau autour de leur ruche: on aurait affirmé à madame Bresse que tous les travailleurs journaliers du Bas-Canada convergeaient vers Chambly et elle l’aurait cru bien volontiers. Sans compter les séances d’exercices de tir qui se succédaient d’heure en heure sur la banlieue, et qui, chaque fois, la faisaient sursauter.
    â€” Cela ne sert à rien de s’agiter comme tu le fais, fit l’imperturbable Joseph Bresse. Il faut plutôt voir comment tirer profit de cette guerre et, pour le reste, s’en remettre à la Divine Providence.
    Françoise s’apprêtait à franchir le seuil de leur demeure quand il l’arrêta d’un geste.
    â€” Heu… À ce propos, ma bichette…
    Joseph hésitait en se triturant le menton.
    Françoise s’arrêta net sur le pas de la porte. Son mari n’avait jamais la conscience tranquille lorsqu’il l’appelait «ma bichette».
    Elle le connaissait, son Joseph, et se méfiait de sa propension à faire le bien. Issu d’un milieu modeste, il possédait pourtant un don inné pour gagner de l’argent, à croire qu’il en fabriquait secrètement la nuit! Et il ne tenait même pas à afficher sa

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