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Julie et Salaberry

Julie et Salaberry

Titel: Julie et Salaberry Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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un devoir que tu dois à ta famille.
    Salaberry contemplait son verre d’alcool qu’il n’arrivait plus à apprécier.
    â€” Est-elle jolie? demanda-t-il soudain, faussement intéressé, mais usant du ton d’un maquignon qui parlait d’un bon cheval.
    â€” Quelle importance? Suis-je joli, moi? riposta vivement le père.
    Ses yeux pers louchaient plus qu’à l’habitude. À la vérité, on ne pouvait pas dire qu’il était beau, avec sa couronne de cheveux blanchis entourant un crâne dégarni, mais une grande noblesse se dégageait de sa physionomie.
    â€” Jeune, je n’étais pas un si bel homme, ce qui ne m’a pas empêché de séduire ta mère, ajouta-t-il d’un ton badin, comme pour alléger l’atmosphère. Mais c’est de ton bonheur dont il est question. Julie de Rouville est de bonne noblesse et un parti avantageux. C’est une occasion qui ne se représentera pas de sitôt.
    â€” Vous m’en parlez comme s’il s’agissait de conclure une vulgaire affaire d’argent! s’indigna le jeune homme. Que faites-vous, father , de l’accord des âmes, de l’amour d’un homme pour une femme? Qu’avez-vous à dire, vous qui avez épousé celle qui vous inspirait de tels sentiments?
    C’était vrai. Les enfants Salaberry avaient grandi auprès de parents qui, visiblement, s’aimaient tendrement. À Beauport comme à Québec, le couple suscitait l’admiration. Preuve ultime de leur entente, le couple se tutoyait, contrairement à nombre d’autres qui se vouvoyaient. Un indéfinissable sourire se dessina sur les lèvres de monsieur de Salaberry.
    â€” Oui, je l’avoue, ta mère et moi avons eu cette chance.
    â€” Et Mary? Nous nous aimions, prononça-t-il d’une voix blanche. Vous m’avez contraint à renoncer à l’amour de ma vie, et aujourd’hui, vous me proposez un mariage avec une autre cousine, fortunée celle-là! Vous croyez disposer de mon cœur à votre guise?
    â€” La situation était bien différente. Inutile d’y revenir, dit sèchement son père.
    Les yeux violets de Mary Fortescue revinrent hanter Salaberry. Son rire clair lorsqu’ils se promenaient ensemble dans le parc entourant la propriété des Fortescue. Par la suite, au hasard de ses affectations, il avait tenté d’oublier son amour d’Irlande en se réfugiant parfois dans les bras de femmes de la bonne société; certaines accueillaient volontiers dans leur lit un bel officier vigoureux. Mais il avait fui toutes celles dont la couleur des yeux lui rappelait celle du ciel irlandais. Et malgré tous ses efforts pour oublier Mary, il sentait que l’ancienne douleur était toujours là.
    Ã€ cet instant, Charles détesta sa famille, son père et l’honneur des Salaberry.
    â€”   Mary , murmura-t-il, la voix rauque, étouffant difficilement des larmes de rage. Mary, my true love 10 .
    â€” Que dis-tu, Salaberry? fit son père qui s’était replongé dans ses réflexions, préférant ignorer le geste d’humeur de son fils, confiant que la colère serait passagère et que par la suite, il reviendrait à la raison. J’exige, à tout le moins, que tu te rendes à Chambly pour présenter mes salutations à monsieur de Rouville, mon vieil ami, ordonna-t-il. Il est toujours utile d’entretenir les liens de famille.
    â€” Damn!
    Le verre de Salaberry se fracassa dans l’âtre du foyer.
    â€” No! éclata-t-il abruptement. Si vous voulez des petits-enfants, vous devrez compter sur François et Édouard. I will never marry. Don’t count on me to go to Chambly 11 !
    Il repoussa bruyamment le fauteuil vide, et sans autre forme de procès, sortit en claquant la porte.
    Cet accès d’humeur ne sembla pas troubler outre mesure monsieur de Salaberry qui se rapprocha du feu en se frottant vivement les mains comme pour mieux en absorber la chaleur. La minute d’après, la porte se rouvrit avec douceur et dans l’embrasure, son épouse se tenait là, en bonnet de nuit et chemise, l’air inquiet:
    â€” J’ai cru entendre du bruit, mon cher cœur. Que se passe-t-il? Il refuse, n’est-ce pas? Je t’avais prévenu qu’il n’accepterait pas.
    â€” Évidemment, puisque c’est moi

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