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Kenilworth

Kenilworth

Titel: Kenilworth Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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Lidcote-Hall à se métamorphoser complètement. Sa barbe touffue avait été réduite à deux petites moustaches sur la lèvre supérieure, retroussées à la mode militaire, et un tailleur du village, bien payé, avait si bien exercé ses talens, en se conformant aux instructions de Wayland lui-même, qu’il avait changé chez lui l’ homme extérieur , de manière à le rajeunir de vingt ans. Avec un visage et des mains noircies par la fumée et par le charbon, des cheveux en désordre, une barbe longue et malpropre, une taille courbée par la nature de son travail, et une peau d’ours pour vêtement, on aurait pu lui donner cinquante ans ; mais alors, portant la livrée de Tressilian, l’épée au côté, un écu sur l’épaule, il ne paraissait avoir que son âge véritable, c’est-à-dire une trentaine d’années. Au lieu d’avoir l’air d’un sauvage échappé des bois, il semblait un gaillard alerte, éveillé, et hardi jusqu’à l’effronterie.
    Tressilian lui ayant demandé la cause d’une métamorphose si complète et si singulière, il ne lui répondit qu’en chantant deux vers d’une comédie alors toute nouvelle, et qui faisait juger favorablement du génie de l’auteur. Nous sommes charmés de pouvoir les citer :
    Ban, ban ça, Calibau,
    À nouveau seigneur
    Nouveau serviteur {60} .
    Ces vers, dont Tressilian ne se souvenait nullement, lui rappelèrent pourtant que Wayland avait été comédien ; circonstance qui expliquait comment il pouvait si facilement changer son extérieur. Wayland se trouvait lui-même si bien déguisé, qu’il regrettait de n’avoir point à passer près de son ancienne demeure.
    – Sous mon costume actuel, dit-il, et à la suite de Votre Honneur, je me hasarderais à faire face au juge Blindas le jour des sessions, et je voudrais savoir ce qu’est devenu Flibbertigibbet, qui fera le diable dans le monde s’il peut rompre ses lisières et échapper à sa grand’mère et à son magister. Je serais bien aise aussi de voir le dégât qu’a fait l’explosion parmi les fioles et les creusets du docteur Démétrius Doboobius. Je réponds que ma renommée vivra dans la vallée de White-Horse long-temps après que mon corps aura disparu de ce monde ; plus d’un paysan viendra encore attacher son cheval à l’anneau, déposer son groat d’argent sur la pierre du centre, et siffler comme un marin pendant le calme, pour appeler le maréchal du diable ; mais les chevaux auront le temps de gagner la morve avant que je m’amuse à leur attacher un fer.
    À cet égard, Wayland ne fut pas un faux prophète : les fables s’accréditent si facilement que la tradition de ses talens dans l’art vétérinaire s’est propagée jusqu’à nos jours dans la vallée de White-Horse, et, quoique couverte d’un peu d’obscurité, la mémoire des faits et gestes du maréchal Wayland ne s’est pas moins conservée dans le comté de Berks que celle du célèbre Pusey-Horn {61} et celle de la victoire d’Alfred.
    L’empressement qu’avait Tressilian d’arriver au but de son voyage faisait qu’ils ne s’arrêtaient que le temps nécessaire pour rafraîchir leurs chevaux ; et comme le comte de Leicester, ou les gens qui étaient sous sa dépendance immédiate, avait une grande influence dans la plupart des endroits par où ils passaient, ils jugèrent à propos de cacher leurs noms et le motif de leur voyage. Lancelot Wayland, car tel était son véritable nom, semblait prendre plaisir à déjouer la curiosité des aubergistes et des garçons d’écurie, et à leur donner le change ; pendant ce court et rapide voyage, il fit courir sur le compte de son maître trois bruits différens et contradictoires. Ici Tressilian était le lord député {62} d’Irlande, venu incognito pour prendre les ordres de la reine relativement au fameux rebelle Rory Og Mac-Carthy Mac-Mahon ; là c’était un agent de Monsieur , envoyé pour solliciter la main d’Élisabeth ; ailleurs c’était le duc de Médine, déguisé, arrivé pour arranger le différend qui existait entre la reine et Philippe, roi d’Espagne.
    Tressilian n’était pas très content de toutes ces fictions, et il se plaignit plusieurs fois à Wayland qu’il en résultait plusieurs inconvéniens, et notamment celui de fixer l’attention sur lui d’une manière trop particulière. Mais son écuyer l’apaisa par un argument irrésistible : – Chacun reconnaît en vous, lui dit-il, un homme

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