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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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Lâhla lui avait en partie lavé le visage du sang du combat, mais la poussière épaississait sa peau tel un masque. Sa salive en était nourrie, et ses vêtements souillés par la mort du pillard pesaient sur lui comme une immense lassitude. L'acier de la nimcha gagnée au combat, sans fourreau, simplement passé dans sa ceinture, battait contre sa hanche telle une pierre.
    Alors qu'il songeait une fois de plus que Zimba s'était perdu et qu'ils allaient eux aussi devoir dormir sur le sol de roche, sans eau ni feu, ils perçurent de la lumière.
    D'abord, ce fut un frissonnement d'ocre au ras du sol. Ils approchèrent encore. Une coupole légère paraissait soulever l'obscurité. Abu Nurbel voulut donner l'ordre d'arrêter la caravane. Zimba dit non, il fallait avancer encore un peu.
    — Rien craindre, assura-t-il.
    Ils le suivirent. Ce qu'ils entendaient n'était ni eau ni feuillage, mais des voix. Nombreuses et qui chantaient.
    Quand le dôme de lumière ne fut plus qu'à une cinquantaine de pas et que le chant résonnait dans l'air, comme porté par cette lumière, Zimba déclara à Abu Nurbel :
    — Maintenant, oui, à pied.
    Les chameaux se ployèrent pour laisser descendre les hommes. Abu Nurbel ordonna aux serviteurs de rester près de la caravane et aux femmes de demeurer dans les palanquins. Al Sa'ib et Muhammad l'entourèrent. Muhammad tira son arme et, avec une autorité dont il n'eut pas conscience, il ordonna à Al Sa'ib comme à Abu Nurbel de prendre leurs dagues en main.
    Zimba avançait prudemment. Marcher dans la nuit sur le chaos de pierres avec leurs simples sandales n'était pas aisé. Ils devaient prendre garde à ne pas se blesser les orteils contre les arêtes de la lave millénaire.
    Puis, d'un coup, ils virent.
    Comme tranché par une nimcha divine, le sol s'ouvrait devant eux. L'à-pic de la falaise devait mesurer six à sept cordées, et la béance de la faille était plus large qu'un jet de flèche. À leurs pieds, le désert offrait la merveille de ses entrailles. Un grand feu jetait des flammèches. Une couronne de palmiers encerclait une étrange coupe de sable aux bords relevés, pareille à un cratère. Dans cette coupe, un disque aussi noir que la nuit reflétait le ciel. Il leur fallut quelques secondes pour comprendre que ce disque était la surface d'une eau immobile. Autour du feu, des femmes, des enfants et des hommes chantaient. Nombreux. Peut-être une centaine.
    Al Sa'ib et Abu Nurbel s'exclamèrent. Zimba leva la main et murmura :
    — Non, attendre. Pas un mot et pas bouger.
    Le chant s'élevait en une masse compacte, aiguë et grave. Lancinant comme des pleurs et pourtant éclatant de force et de confiance. Là, sur le bord de la falaise où ils se trouvaient, les quatre hommes le sentirent vibrer dans leur poitrine. Muhammad tendit la main devant lui comme pour la plonger dans les sons. Alors seulement, il s'aperçut que les chanteurs, en bas dans la faille, tenaient eux aussi les mains devant eux, paumes ouvertes et offertes, comme dans l'attente d'un don du ciel.
    Le plus étrange arriva dans l'instant qui suivit.
    Le disque d'eau noire frémit. Des vaguelettes s'agitèrent comme sous l'effet d'une brise. Pourtant, il n'y avait pas un souffle d'air. Les palmes des grands dattiers ne bougeaient pas d'un pouce.
    Le frémissement devint ondes. Des ondes qui naissaient, se croisaient et s'entrechoquaient à la surface de l'eau. Un bouillonnement apparut. Montés des tréfonds du désert, des jets lourds, violents, sauvages, projetaient maintenant l'eau comme une lave sur les bords du cratère de sable.
    Incapable de quitter ce sortilège des yeux, Muhammad entendit le vieil Abu Nurbel invoquer la protection d'Al'lat et d'Hobal. Puisse le dieu enclos dans la Pierre Noire de Mekka les protéger de la puissance des démons du désert !
    Et cela prit fin aussi brutalement que cela avait commencé.
    Et cessèrent aussi les chants.
    Alors, en bas, près du feu, les hommes et les femmes levèrent le visage vers les étrangers debout sur le bord de la faille, loin au-dessus d'eux. Zimba leur fit un signe, leva haut les bras, les écarta en croix avant de ployer le buste en un salut respectueux.
    — Maintenant, descendre et saluer, annonça-t-il d'une voix enrouée.
     
    En vérité, Zimba possédait plus de souvenirs de l'endroit qu'il ne l'avait laissé croire. Il trouva sans difficulté le sentier qui descendait dans la faille. Taillé dans la falaise par des mains

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