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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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ans, j'ai su l'augmenter sans l'aide de personne. Tu l'as dit : je suis ma reine. Pourquoi deviendrais-je l'épouse seconde ou troisième d'un homme ? Tu veux faire de moi une mère. Certainement tu pourrais m'en donner le plaisir. Mais c'est un plaisir auquel on peut résister, avant de l'oublier dans l'amas des années. Et dans ta maison, que serais-je d'autre qu'une mère, alors que le puissant Al Çakhr serait le maître de la richesse de Khadija bint Khowaylid, veuve d'Âmmar ? Je suis celle que je suis, cousin, et cela me convient.
    — Tu es celle que tu es, et pour cela tu ne peux jamais t'asseoir à la mâla. Les femmes ne siègent pas avec les Anciens. Pour tes affaires, un jour tu dois t'allier avec un clan, le lendemain avec un autre. Avec Al Sa'ib et Abu Nurbel aujourd'hui. Des petits que tu domines aisément. Jamais avec tes égaux, et jamais tu ne parles pour toi.
    — En quoi cela serait-il différent avec toi, Abu Sofyan al Çakhr ? En tant qu'époux, tu parlerais pour moi. Comment entendrait-on ma voix, la voix d'une femme, mieux qu'aujourd'hui ?
    Les derniers mots de Khadija avaient claqué avec plus de sécheresse qu'elle ne l'aurait souhaité. Le silence revint dans la salle. Khadija s'inclina, caressa avec douceur le visage d'albâtre devant elle et se leva.
    — Ton présent est aussi beau que ton offre, cousin Abu Sofyan. Pour tout le temps qu'il me reste, je regarderai Al Ozzâ en me souvenant de la bonté de tes paroles.
    Abu Sofyan était déjà debout lui aussi, raide et le poing crispé sur le lion de sa dague.
    — Si nous ne sommes pas alliés par des épousailles, grogna-t-il, que serons-nous ?
    Khadija sourit et saisit la main d'Ashemou venue se placer à son côté.
    — Il existe des alliances qu'une femme peut passer sans devoir s'étendre sur la couche de celui qui veut son bien, seigneur Al Çakhr.
    Elle quitta la pièce si vivement qu'Abu Sofyan n'eut pas le temps de répliquer. Abdonaï apparut dans la lumière. Les deux hommes se jaugèrent du regard. Celui de l'affranchi perse resta impénétrable.

Les hommes en blanc
    Ils avançaient le plus rapidement possible. Le jour se réduisait à un filet de lumière livide surmontant l'horizon. Y aurait-il eu une piste sur le sol caillouteux qu'aucun d'entre eux n'aurait pu la discerner. Ils devaient se fier au guide Zimba, mais ne pouvaient s'empêcher de craindre qu'il ne soit perdu lui aussi.
    Plus ils progressaient, plus le désert devenait un hara  : un champ de pierres de lave encore brûlantes de soleil et que l'on aurait cru abandonnées là par les démons à la naissance du monde.
    Plus ils marchaient, plus la falaise de basalte paraissait s'éloigner, alors même qu'elle se dressait devant eux, immense, la crête du sommet presque disparue dans la nuit nouvelle. Pourtant, à perte de vue, pas un seul emplacement pour monter les tentes et prendre du repos !
    Tous se taisaient. Des palanquins des femmes ne provenait plus l'écho de leurs bavardages. Au début, le vieil Abu Nurbel n'avait pu s'empêcher de demander et de redemander au guide s'il était certain de sa route. Zimba avait répondu deux ou trois fois, puis il s'était tu. Abu Nurbel aussi, économisant sa salive dans sa soif. À présent, Al Sa'ib se retournait sans cesse sur sa selle. Derrière la caravane, sur l'horizon de l'ouest, le jour se muait en un fil près de se rompre.
    Muhammad partageait l'inquiétude d'Al Sa'ib. Nulle part, à contre-jour dans cet ultime rai de lumière, on ne devinait les silhouettes de Yâkût et de ses guerriers ou du grand Noir Bilâl. Bientôt la nuit serait absolue. Ils n'auraient plus que les étoiles pour se diriger, surtout si l'esclave laissé en arrière afin de leur montrer le chemin s'était égaré. Sans doute, Yâkût allait-il décider de dormir sur les pierres en attendant l'aube. Il n'aurait pas le choix. La caravane resterait alors sans protection pour la nuit. En ce cas, pas de feu, pas de galettes, pas de thé. Ce qui n'arrangerait pas l'humeur du vieil Abu Nurbel.
    Puis cela vint aussi soudainement qu'une levée de vent. Un bruissement résonna dans l'air fraîchissant. Un murmure. Ou un frémissement de feuillage.
    Plus tard, Muhammad se rendit compte qu'à aucun moment il n'avait songé à des voix. Même lorsque ce murmure s'était affirmé, ce sont les flots d'un wadi qu'il avait imaginés. La soif et le désir d'eau fraîche lui étaient montés à la bouche avec la conscience de sa fatigue.

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