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Khadija

Khadija

Titel: Khadija Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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répondait :
    — Tais-toi ! Tu parles sans savoir. Mon époux m'a dit : « Tu pries pour nos nuits, moi, je prie pour nos jours. » Et lui sait pourquoi il le faut, vieille folle !
    Mais que Barrira dît vrai, et qu'elle-même risquât de vider son ventre en tournant sur les dalles brûlantes de l'esplanade, Khadija le savait mieux que personne. Les sept tours autour de Pierre Noire, elle les accomplissait à tout petits pas, les mains nouées sur la vie qui grandissait en elle, Muhavija et Kawla la soutenant de part et d'autre. À sa grande fureur, durant ces jours-là, elle avait l'apparence d'une vraie vieille.
     
    Le quatorzième jour de la canicule avait été précédé d'une nuit sans lune tout aussi chaude. Alors qu'il revenait de la Ka'bâ avec Al Qasim et Abu Bakr, la vieille Barrira se dressa devant Muhammad.
    — Ton épouse n'enfantera pas si tu continues de l'envoyer tourner autour de notre sainte Pierre ! cria-t-elle. Ton dieu sera peut-être content. Mais toi, tu perdras ce fils qui te vient et peut-être même ton épouse. Cinquante années que je fais venir les nouveaux-nés d'entre les cuisses des femmes, je sais de quoi je parle.
    Depuis longtemps Muhammad s'était accoutumé à la brutalité de Barrira. Il ne s'en offusqua pas plus qu'il ne douta de la vérité de ses propos.
    — Mon épouse agit selon sa volonté, pas selon la mienne. C'est ainsi depuis nos épousailles.
    Barrira gronda et soupira encore. Muhammad parlait juste, et elle craignait cette réponse.
    — Alors, trouve le moyen de changer sa volonté, si tu veux avoir un second fils, lança-t-elle en lui tournant le dos.
    Plus tard ce même jour, Zayd vint voir Muhammad. Il était tout de blanc vêtu, les cheveux bien peignés. Il tenait entre les mains un rouleau de chiffres comme ceux qu'il utilisait autrefois pour les comptes des entrepôts. Avec un sourire comme on ne lui en avait pas vu depuis longtemps, il tendit le rouleau à son maître.
    — Lis ce chiffre. Voici la colonne de ceux dont les doigts ont noirci depuis sept jours. Là, celle de ceux qui sont morts ces mêmes jours. Plus haut, ce sont les chiffres des sept jours précédents. Si tu déroules, tu verras les comptes des sept jours encore précédents, et ainsi de suite.
    Les rides lui plissant le front, Muhammad examina les derniers chiffres. Il n'était pas certain de comprendre ce qu'il lisait. Il releva la tête en demandant :
    — Deux morts en sept jours ?
    — Deux ! confirma Zayd avec excitation. Deux ! Et depuis trois jours, pas un seul ! Trois femmes encore sont malades, qui vont mourir bientôt. Mais depuis sept jours, un seul homme a vu ses doigts noircir ! Et de ceux qui sont revenus du Sud avec toi, aucun n'a pris le mal... Je ne voulais pas t'en informer plus tôt, maître Muhammad, je voulais être sûr. Les gens cachent leurs morts et leurs malades. Abdonaï a cherché avec moi. Les chiffres sont justes : la maladie s'en va !
    Le jeune Zayd avait des larmes plein les yeux. Il riait et sanglotait en même temps. Muhammad se leva pour le prendre contre lui et le calmer.
    Il l'entraîna sous la tente de Khadija et chassa les servantes avant de lui faire signe de lire son rouleau à haute voix.
    À son tour, Khadija eut la gorge nouée de sanglots. Elle prit les mains de son époux et les mouilla de ses larmes. Ils s'enlacèrent sans un mot, rompus de bonheur autant que d'épuisement.
    Intimidé, séchant ses joues humides, Zayd baissait la tête sans oser les regarder. Quand elle se détacha de son époux, Khadija lui caressa le front comme elle l'eût fait pour un fils.
    — Va montrer tes chiffres au hanif. Mais tiens ta langue, ne dis encore rien aux autres. Le sage Waraqà sera celui qui annoncera la nouvelle à tous quand il le jugera bon.
    Lorsqu'ils furent seuls, Khadija et Muhammad n'osèrent parler ni l'un ni l'autre. Ils avaient les mêmes pensées, mais elles étaient encore pleines d'incertitude.
    Finalement, Khadija murmura :
    — Se peut-il que cette canicule tue la maladie ?
    Muhammad répondit :
    — Si cela est, la grande chaleur ne doit pas tuer celui qui va naître. Cette nuit, tu dormiras dans ta chambre, au frais de ta cour.
    Un peu de crainte passa sur le visage de Khadija. Puis elle approuva.
    — Tu as raison. J'étais la première à venir sous la tente, je dois être la première à retourner dans ma cour.
     
    Tout le reste du jour, Muhammad, Abdonaï et les compagnons bien portants de la

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