Khadija
caravane nettoyèrent les chambres de la maison de Khadija et brûlèrent ce qui devait l'être encore. Abu Bakr les rejoignit et s'en étonna :
— Que fais-tu ? Veux-tu que ton épouse revienne chez elle ?
Muhammad le prit à part et lui annonça la bonne nouvelle : la maladie quittait Mekka.
Tremblant de joie, Abu Bakr serra son ami contre lui comme un frère.
— C'est toi, toi et la saïda, qui avez vaincu la maladie.
Muhammad protesta :
— Nous n'avons rien fait ! Mais peut-être cette chaleur qui nous est venue tue-t-elle le mal ?
Abu Bakr rit comme s'il n'en croyait rien. Puis il se précipita pour chercher de l'aide.
— Moi aussi, dit-il, je veux que mes femmes et mes fils retrouvent notre cour et nos chambres.
Le sage Waraqà se montra le moins impressionné de tous quand Zayd lui montra les chiffres. Plusieurs fois il se fit répéter comment l'esclave de Kalb les avait obtenus, et vérifia qu'il n'oubliait rien.
La canicule n'améliorait pas son caractère. Les servantes lui proposaient sans cesse des linges humides afin qu'il se rafraîchisse le front. Il les renvoyait avec des mots durs. L'instant d'après, ne parvenant plus à trouver son souffle dans l'air brûlant, il les rappelait.
Grommelant, à peine audible, il ordonna à Zayd :
— Retourne près de la saïda. Préviens-la que l'annonce peut attendre jusqu'à l'aube de demain. Dis-lui de ne pas trop se réjouir : un mal peut en chasser un autre. Nos doigts ne vont peut-être plus noircir, mais le soleil risque de cuire nos corps tout entiers.
Les femmes d'Abu Bakr voulurent savoir pourquoi il les ramenait dans leurs chambres. Elles craignaient encore leur maison.
— La saïda bint Khowaylid va aller dormir dans la sienne cette nuit, répondit Abu Bakr. Son époux Muhammad assure qu'elle y sera mieux que sous la tente, elle qui va bientôt donner vie à un fils. Ce qui vaut pour elle ne vaut-il pas pour vous ? Croyez-vous qu'il lui veuille du mal ?
Les femmes d'Abu Bakr ne se laissèrent pas intimider par l'argument. Elles crièrent que le mal rôdait encore certainement dans les demeures. Abu Bakr se moqua de leur peur. Ses épouses se mirent en colère. Dans la dispute, comme Abu Bakr ne parvenait pas à les convaincre, il finit par rompre sa promesse.
— Cessez donc de gémir ! s'écria-t-il soudain. La maladie s'en va. C'est fini. La mort noire ne dévore plus Mekka !
Pour les convaincre, il cita les chiffres donnés par Zayd.
Il ne fallut pas longtemps pour que la nouvelle se répande. De haut en bas de Mekka, des cris et des pleurs retentirent. Joie et tristesse se mêlaient, comme après ces immenses batailles où le vainqueur compte tant de morts que son bonheur est aussi amer que la défaite.
Le retour dans les maisons se fit lentement.
Au quatrième jour après que Khadija eut retrouvé sa cour, il fallut encore enterrer deux morts. Zayd compta qu'il restait encore trois femmes et deux hommes pris par la maladie. Maintenant qu'ils allaient mourir alors que la maladie épargnerait les survivants, leur désespoir et l'injustice des dieux en paraissaient encore plus profonds.
L'une des femmes, une jeune servante de la maisonnée d'Abu Nurbel, dont déjà il ne restait plus grand-monde, n'eut pas la patience d'attendre que la mort noire s'empare d'elle. Trois ou quatre lunes plus tôt, Barrira l'avait aidée à enfanter et l'avait prise en amitié. Depuis que ses doigts avaient noirci, elle lui apportait chaque jour, en restant à distance, un peu de lait et des galettes. Un matin, elle la trouva une dague enfoncée dans le ventre. Sa main noircie, éclatée et toute sanglante, reposait encore sur la nuque de son enfant à la gorge tranchée.
Cependant, jour après jour, la crainte s'éloignait. À chaque réveil, la peur de découvrir l'ombre maléfique au bout de ses doigts faiblissait. La nouvelle lune croissait et, avec elle, l'espoir que bientôt Mekka recouvrirait sa force et sa puissance.
Barrira s'en va
Pour Khadija, la décision de son époux de retourner dans l'ombre fraîche de la maison fut un grand soulagement. Elle retrouva ses forces et son sommeil redevint paisible. Sa couche fut même assez fraîche pour que Muhammad puisse dormir auprès d'elle. Au cœur de la nuit, elle le réveillait pour qu'il place sa paume sur son ventre et sente comme la vie s'y agitait. Pour la première fois depuis très longtemps, cela leur donna des occasions de rire. Et le matin Khadija appelait Al
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