Khadija
s'ouvrit sous ses talons, comme si une nimcha de géant avait frappé. L'eau jaillit. L'eau de la source Zamzam qui ne tarit jamais !
« Ibrahim sauta de joie : il avait trouvé le lieu où bâtir la maison de son fils. Son dieu de parole le lui avait désigné. Pour le remercier, Ibrahim dit : “Je vais construire la maison d'Ismâ'îl et j'utiliserai cette Pierre Noire comme pierre d'angle. Ainsi, chacun la verra.”
« Voilà ce qui est écrit là, Muhammad ibn `Abdallâh. »
Il y eut d'abord un silence. Waraqà le goûta, son œil brillant scrutant les visages de Khadija et de Muhammad. Toute pâle, les lèvres un peu tremblantes, Khadija fut la première à demander :
— Cousin Waraqà, ce que tu dis, c'est que cet Ibrahim a cassé les statues des dieux et qu'il ne s'est rien passé ?
— Rien de rien. La pierre est devenue cailloux et le bois est devenu cendres.
Waraqà semblait s'en réjouir, toutes ses grimaces de mauvaise humeur soudain disparues.
— Hanif, s'enquit Muhammad d'une voix hésitante, ce que tu dis, c'est que nous tournons autour de la Pierre Noire sept fois parce que cet Ibrahim est monté sept fois sur Safâ et Marwa ?
Waraqà était ravi. Pourtant, il secoua la tête et tapota le vieux rouleau du bout des doigts.
— Je ne le dis pas. Ce rouleau des très anciens le dit.
— Il dit que lorsqu'on tourne autour de la Ka'bâ, on ne tourne pas pour remercier Hobal ?
— Tu peux le comprendre ainsi.
— Ce qu'il dit aussi, intervint Khadija, qui avait repris de l'assurance, c'est qu'Hobal ne peut pas avoir appelé la maladie sur Mekka. Et qu'il ne sert à rien de le craindre ou d'attendre qu'il nous sauve. Mais si c'est un autre dieu qui nous a donné l'eau et la vie entre Safâ et Marwa, nous l'insultons en refusant de tourner autour de la Pierre Noire et de la Ka'bâ, comme nous le faisons.
— Tu peux le comprendre ainsi, répéta Waraqà, cette fois en inclinant la nuque devant Khadija avec un fin sourire.
— Hanif, reprit Muhammad, crois-tu qu'on peut se tromper si longtemps sur les dieux ?
— L'homme se trompe en comptant ses chameaux, ses femmes et ses espoirs. Pourquoi ne se tromperait-il pas sur les dieux ?
— Crois-tu que la maladie vient de cette erreur ?
— Le mal vient toujours des erreurs.
— Alors, que devons-nous faire, hanif ?
Avec un gloussement ironique, Waraqà referma le couvercle de la boîte de cèdre contenant le rouleau très ancien.
— Muhammad ibn `Abdallâh, je suis un hanif, je ne suis pas celui qui décide à la mâla. Toi, tu l'es, et tu sais maintenant ce qu'il faut savoir.
Ironique, le vieux sage pointa un doigt sur la poitrine de Khadija.
— Tu dis que ton épouse a toujours su te conduire sur le bon chemin de tes choix. C'est à elle que tu dois demander conseil.
L'espoir
Plus tard, ils furent un grand nombre à se souvenir de ces jours comme de ceux où l'espoir était revenu dans Mekka.
Avant que le soleil n'atteigne le zénith, la caravane menée par Abu Bakr et Zayd, dépêché par Muhammad, arriva à Mekka. Depuis l'aube, Abdonaï, aidé des serviteurs en bonne santé, avait préparé les entrepôts. Prenant de grandes précautions, ils avaient éliminé et brûlé tout ce qui était demeuré là, inutile et périssant, depuis le début de la maladie.
Les biens de la caravane furent déchargés par les seuls compagnons de Muhammad et d'Abu Bakr. Dès l'après-midi, Khadija et ses servantes purent commencer la distribution des jarres d'huile auprès des femmes bien portantes afin qu'elles puissent se protéger, ainsi que leurs enfants.
La surprise vint au crépuscule. Alors que sous les tentes, ici et là, on comptait une fois de plus les morts du jour et les malades nouveaux, repoussant avec terreur les uns et les autres, une fumée s'éleva sur l'esplanade de la Ka'bâ.
Les plus curieux et les plus courageux s'en approchèrent.
Des offrandes brûlaient sur le socle de la Pierre Noire. Ces mêmes offrandes qu'à chaque retour à Mekka les marchands et les puissants offraient à Hobal. Aujourd'hui, cependant, elles ne brûlaient pas au pied de la statue recouverte de cornaline. Les encens, les pétales séchés venus de Saba et de Ma'rib, les écailles de corne de bouc et les viscères d'agneau grésillaient devant la Pierre Noire.
Autour d'elle, la saïda bint Khowaylid, son époux Ibn `Abdallâh et Abu Bakr tournaient comme avant le désastre. Leurs maisonnées les suivaient, les cousines
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